Les coulisses de la musique avec Susan Edward

ENTRETIEN AVEC SUSAN EDWARD
Parlons musique, pédagogie, musique d’ensemble, … en découvrant le parcours, la vision artistique et les projets de Susan, violoncelliste, directrice artistique de “Musique de Chambre dans le Gers” et pédagogue passionnée.
Susan Edward
Susan Edward (crédit photos : Susan Edward)

Bonjour à tous !

Pour ce nouveau rendez-vous de ma série “Les coulisses de la musique”, j’ai le plaisir de m’entretenir avec la violoncelliste anglaise, Directrice Artistique de “Musique de Chambre dans le Gers”, Susan Edward.

Son parcours international hors norme vous fera voyager de l’Angleterre au Gers en France (où elle a développé plusieurs ensembles à cordes et de nombreux projets pédagogiques via “Musique de Chambre dans le Gers”) en passant par l’Allemagne puis la Cisjordanie où elle a enseigné pendant cinq ans le violoncelle à la “Fondation Barenboïm-Saïd” pour le projet d’éducation musicale destiné aux jeunes Palestiniens, dirigé par le grand pianiste et chef Daniel Barenboïm.

Véronique BRACCO : Bonjour Susan et merci de ta participation et de bien vouloir partager avec nous ton expérience d’instrumentiste mais aussi ta vision de la musique, de la pédagogie.

PARCOURS MUSICAL ET COMMENT CHOISIR SON INSTRUMENT

Véronique BRACCO : Tu habites, joues et enseignes en France depuis maintenant 15 ans ans mais tout a commencé pour toi dans ton pays, l’Angleterre. Peux-tu nous parler de ton parcours musical? A quel âge as-tu commencé le violoncelle ? Pourquoi avoir commencé à faire de la musique et pourquoi le violoncelle ? Qu’aimes-tu dans ton instrument ? As-tu toujours été attirée par le violoncelle ? Quels sont tes premiers souvenirs musicaux et artistiques?

Susan EDWARD : J’ai commencé le violoncelle à l’âge de 9 -10 ans. J’aimerais bien te dire que j’ai toujours été attirée par le son du violoncelle mais c’est en fait toute autre chose qui a tout déclenché pour moi. Un jour, le professeur de violoncelle de mon école primaire est venu dans notre salle de classe pour nous présenter le violoncelle. Je ne me rappelle pas s’il nous a aussi montré d’autres instruments mais ce que je sais c’est que le violoncelle, lui, m’a fait grande impression parce que…ma meilleure amie voulait en faire. Mes parents ont alors dit que je pourrais apprendre à en jouer mais qu’il me faudrait tout d’abord atteindre un certain niveau au piano. Sans trop d’enthousiasme j’ai donc continué le piano jusqu’à ce qu’un jour, enfin, mes parents me disent oui.  Ils ont fini par accepter que je commence le violoncelle même sans avoir atteint le niveau qu’ils souhaitaient au piano !

J’avais commencé le piano quelques années avant, à l’âge de 5 ans, parce que mon père en jouait. J’avais eu alors tellement envie de m’y essayer… Je me souviens qu’il m’avait montré des choses au piano et que les sons m’avaient fascinée… J’adorais jouer des gammes et des arpèges ; mais ayant eu à cette époque un problème de vue, je n’arrivais en revanche pas bien à lire les partitions. Heureusement tout ça s’est réglé avec des lunettes.

A part ça, un de mes premiers souvenirs musicaux est d’avoir demandé très souvent à mes parents de mettre le vinyle de Schubert, “Die Forelle”, le scherzo, car j’avais envie de danser sur ce mouvement. Malgré mon goût prononcé pour la danse, j’ai toutefois  été renvoyée de mon cours de danse (ayant 2 pieds gauches comme on dit…). Je ne sais pas vraiment comment je dansais… mais ce que je sais c’est que c’était une de mes activités préférées.

Puis j’ai enfin commencé le violoncelle et ce jour-là j’en ai été tellement heureuse. J’aimais beaucoup jouer seule mais c’est quand j’ai aussi pu jouer avec d’autres personnes (et que j’ai adoré faire ça !) que j’ai commencé à vraiment travailler plus sérieusement mon violoncelle.

V.B : Pas tous les enfants ont d’eux-mêmes un coup de cœur immédiat pour un instrument et pas tous savent dès le départ quel instrument choisir. Parfois, la passion vient en apprenant, en découvrant, en maîtrisant. Qu’est-ce que tu conseillerais aux parents qui souhaiteraient que leur(s) enfant(s) commence(nt) un instrument mais qui ne savent pas les guider vis-à-vis du choix de l’instrument ?

S.E : Je dis toujours le même chose aux parents, que c’est très important que l’enfant essaie l’instrument d’abord. Il faut aimer non seulement le son, mais aussi se sentir bien avec l’instrument. L’enfant va devoir y consacrer beaucoup de temps donc pour moi c’est très important que ce soit un choix bien conscient de la part de l’enfant. Il n’est pas nécessaire d’avoir un coup de cœur mais il est important d’être confortable et à l’aise.

V.B : Et en ce qui concerne plus précisément ton instrument, le violoncelle, c’est un instrument difficile mais aussi vraiment magnifique. Quelles sont pour toi ses qualités premières et ses points forts qui peuvent enthousiasmer un enfant et lui donner envie d’en jouer ?

S.E : Pour moi ce sont le son, les vibrations, le plaisir de mener la ligne de basse et de pouvoir faire partie d’une équipe qui me rendent amoureuse du violoncelle. Et le fait aussi que bien qu’en en ayant joué pendant 32 ans je ne m’ennuie jamais !  Je fais encore des découvertes sur le plan technique, musical et bien sûr aussi sur le plan du répertoire.

Pour un enfant je pense que la taille du violoncelle, la position assise, le fait de posséder un instrument ou un étui nouveau et brillant…peuvent aussi être des éléments qui jouent un rôle et qui peuvent les enthousiasmer. Mais franchement c’est très rare, quand je donne un cours d’essai de violoncelle à un enfant ou même à un adulte,  qu’ils ne soient pas émus par les vibrations au moment où l’archet frotte les cordes.

APPRENDRE UN INSTRUMENT / CHOISIR UN PROFESSEUR EN FONCTION DE SON APPROCHE PÉDAGOGIQUE

V.B : Certains se posent la question de savoir où inscrire leur(s) enfant(s). Conservatoires, écoles de musiques publiques, privées, cours privés … beaucoup d’options s’offrent parfois à eux. Quel que soit l’endroit et la structure, avoir un bon professeur qui donne de bons conseils et de bonnes bases est primordial, surtout pour les débuts. Peux-tu donner quelques conseils aux parents qui nous lisent ? Quelle est selon toi une bonne approche pédagogique pour débuter le violoncelle ? Comment peuvent-ils savoir que le professeur qui enseigne à leur enfant est bon ? Et quelles sont les choses à éviter absolument ?

S.E : Pour moi il est important que l’enfant “attende” avec plaisir son cours hebdomadaire. S’ils sont impatients d’y être ça veut dire qu’ils passent un bon moment avec le professeur, qu’ils ont compris qu’il faut s’investir pour progresser et qu’ils ont hâte de jouer leurs morceaux et d’en apprendre des nouveaux. En tant que prof, il faut savoir insister sur des choses en particulier pour que la base soit bien formée, tout en préservant le plaisir et l’envie de jouer. Des jeux, des challenges, des manières de varier le travail… toutes ces choses aident à bien équilibrer la pédagogie au début.

Ce qu’il faut éviter ? Que l’enfant soit dégoûté par une pédagogie trop sévère, mais aussi qu’il soit mal formé avec une pédagogie pas assez exigeante.

CURSUS POUR DEVENIR PROFESSIONNEL / DIFFÉRENCES DE PAYS À PAYS 

V.B : Peux-tu nous en dire plus sur ton parcours musical en Angleterre ?

S.E : J’ai commencé le piano en cours particulier à l’âge de 5 ans, comme je l’ai dit plus haut, et le violoncelle plus tard, avec le professeur qui venait dans mon école primaire, vers 9 ou 10 ans.  J’ai commencé alors avec les examens “ABRSM” (associated board of the royal schools of music). Puis, à l’âge de 11 ans mes parents m’ont inscrite à un stage d’orchestre pendant les vacances, stage que j’ai tellement adoré faire que je l’ai refait dès l’année d’après. Ensuite mes parents ont cherché à me proposer quelque chose de plus régulier parce qu’ils ont compris à quel point cela me rendait heureuse. Ils ont alors trouvé le “Bromley Schools Music Centre” où j’ai pu jouer régulièrement avec orchestre. Au début je n’y faisais que de l’orchestre, une fois par semaine, puis petit à petit j’ai participé à d’autres activités telles que la musique de chambre, les activités orales, puis l’orchestre de chambre, et finalement bien sûr aussi mes cours individuels de violoncelle.

A cette époque-là je voulais encore devenir médecin, mais dès l’âge de 16 ans il m’a semblé que si je devenais médecin cela signifierait que mes 10 prochaines années de vie seraient déjà fixées et sans surprises, ce qui ne m’a pas plu. En faisant de la musique, au contraire je n’avais vraiment aucune idée d’où ça allait me mener et c’était une idée qui m’attirait beaucoup plus. Je ne suis pas sûre que mes parents aient, eux, beaucoup apprécié ce choix car ils pensaient que faire de la musique était une excellente chose mais devait rester seulement une activité complémentaire. Ils s’inquiétaient pour mon avenir et ont donc décidé de demander conseils. Ils ont organisé une “Consultation” au Royal College of Music à Londres. J’y suis allée, j’ai joué du piano et du violoncelle et j’ai expliqué que je voulais devenir violoncelliste. Ils m’ont dit que je jouais mieux du piano que du violoncelle, car je n’avais pas assez de technique au violoncelle. C’est d’ailleurs la première fois que j’ai entendu le mot technique, ce qui m’a poussée à leur demander ce que c’était.  “La technique”, m’a répondu Margaret Moncrieff, “c’est bien jouer une gamme “. “Mais je peux jouer une gamme !”, j’ai osé répondre. Me voilà donc en train de jouer une gamme… mais très mal…elle m’explique que ce n’était pas à la hauteur. C’est à ce moment que j’ai commencé à comprendre que faire de la musique comme je voulais le faire ce n’était pas juste avoir une activité de dilettante pour me faire plaisir mais que c’était aussi un art et une discipline, et que je n’étais donc pas assez “équipée” ni pas encore assez à la hauteur dans mon travail. Malgré tout, cela n’a absolument pas coupé l’enthousiasme ni l’envie que je ressentais. Cela m’a au contraire permis de changer mon approche et de travailler différemment aussi pendant mes cours.

Une année plus tard, j’ai eu l’occasion de jouer pour Hilary Finzi, la sœur de Jacqueline du Pré. Elle a pris soin de chercher comment me contacter et a appelé mes parents le soir même après que j’aie joué devant elle. Elle leur a expliqué que j’avais du talent mais un manque incroyable de technique et que j’avais besoin de changer de professeur rapidement. Elle nous a alors proposé d’aller chez Joan Dickson, qui a effectivement changé ma vie de violoncelliste. Elle n’a pas pu me prendre comme élève régulière, mais j’ai tout de même commencé un vrai apprentissage avec elle et surtout elle m’a aussi guidée et envoyée chez Amanda Truelove, une de ses élèves.

Grâce à Amanda, après 18 mois de travail seulement, j’ai pu gagner des concours locaux, jouer le concerto d’Elgar avec mon orchestre, et aussi réussir mes examens d’entrée pour mes études supérieures. Et là, j’ai choisi de rejoindre la classe d’Emma Ferrand au Royal Northern College of Music de Manchester. C’est là, après tout ce chemin, que j’ai pu me consacrer exclusivement au travail du violoncelle, ce dont je rêvais depuis plusieurs années.

V.B : Y a-t-il pour toi des différences importantes entre l’enseignement instrumental, l’approche, la vision de la musique en Angleterre et en France ?

S.E : Oui pour moi il y a beaucoup de différences. Il faut dire que ça fait 15 ans que je n’habite plus en Angleterre donc je ne suis plus très au courant des dernières évolutions. Mais, si je me réfère à mes propres expériences, j’ai trouvé l’enseignement en Angleterre beaucoup moins fixé sur des objectifs d’âges et de niveaux qu’en France et plus ouvert sur le potentiel et sur les capacités de chacun. L’approche en Angleterre est aussi plus axée sur la musique d’ensemble, plus sur la pratique que le théorétique. C’est un apprentissage plus ouvert, destiné à tout le monde ; peu importe si on veut  faire carrière ou pas. La vision de la musique en Angleterre cible un public très mixte et la pratique amateur est très développée, ce qui entraîne une bien plus grande présence de la musique classique un peu partout ; elle n’est pas seulement réservée aux professionnels. La musique classique fait vraiment partie intégrante de la vie quotidienne de chacun.

V.B : Les cursus, les formations proposées et les cours dispensés sont-ils eux aussi différents dans les écoles de musiques et conservatoires anglais et français ?

S.E : N’ayant pas eu d’expérience personnelle dans un conservatoire français dans ma jeunesse, il est difficile pour moi de comparer. Je pense que la plus grosse différence concerne les tranches d’âges. En Angleterre, pour nous un “conservatoire” c’est une sorte de “fac de musique”, un établissement dédié aux études musicales supérieures dans lequel on peut étudier seulement à partir de 18 ans. Avant ça il y a un grand choix de cours particuliers, d’écoles de musique, d’écoles/collèges/lycées spécialisés dans la musique. Mais aucun de ces établissements ne donne un niveau plus valorisé qu’un autre. A 18 ans (ou bien plus âgé), si on souhaite vraiment se spécialiser et se perfectionner, on se dirige alors vers nos « Facs musicales », nos “Conservatoires”. Chacun est  jugé sur un concours d’entrée et un entretien.  On y suit ensuite tout simplement le cursus. Toutefois, pour devenir professionnel, on n’est pas non plus obligé de passer par le conservatoire.

ETUDIER À L’ETRANGER / QU’EST-CE QUE ÇA APPORTE À UN JEUNE MUSICIEN ?

V.B : Tu es ensuite partie étudier en Allemagne. Pourquoi es-tu partie là-bas et peux-tu nous en dire plus sur ce que cette expérience t’a apporté ?

S.E : Mon professeur Amanda Truelove avait étudié en Allemagne et l’idée de faire comme elle et de partir étudier là-bas m’a toujours fait rêver. Grâce à et avec mes orchestres de jeunesse j’avais déjà pu partir aux Pays-Bas, en Autriche, en France, en Allemagne, en Amérique de sud, en République Tchèque et chaque fois je m’étais régalée en faisant ces voyages, donc décider de partir étudier en Allemagne m’a semblé être un excellent moyen de pouvoir vraiment “goûter” à la vie dans un autre pays de manière plus longue. Ça m’a énormément apporté et ça m’ouvert de nombreux d’horizons.

Ne pas pouvoir facilement communiquer ni m’exprimer dans ma langue maternelle, puis ensuite devoir construire des relations et des connexions malgré cela…tout cela m’a fait mûrir.

V.B : Quel âge avais-tu quand tu es partie en Allemagne ? Comment as-tu vécu ce changement de vie ?

S.E : J’avais 23 ans et j’avais hâte de vivre une aventure, soif de nouvelles expériences. Et tout cela je l’ai vraiment trouvé en Allemagne ! L’apprentissage de la langue a été plus dur que je le pensais, mais arriver à me faire des amis a été, par contre, bien plus facile que je ne le pensais.

V.B : As-tu eu du mal à t’adapter et à t’habituer à la vie dans un autre pays, ou bien est-ce que ça a été facile ?

S.E : Bien sûr la nouveauté de tout m’a fascinée. Les démarches administratives ont été les seules choses qui m’ont freinée, parce que je n’avais jamais eu à faire face à ce côté de la vie en Angleterre et je n’étais pas du tout habituée à cela. Sinon franchement j’ai trouvé cette transition facile.

V.B : A la Hochschule de Trossingen, avec qui as-tu travaillé ? Est-ce que la vision musicale et pédagogique étaient similaires à celles que tu avais eues en Angleterre, ou bien sur quels points y-avait-il de grosses différences ? Qu’est-ce que cela t’a appris ?

S.E : J’ai travaillé avec Michael Huber ; il m’a apporté beaucoup de structure et toute la méthode dont j’avais besoin dans mon travail et mon approche. J’ai trouvé la pédagogie généralement plus construite que celle que j’avais reçue en Angleterre. Il y avait des différences de styles et de liberté mais surtout beaucoup de différences sur les exigences. J’ai été impressionnée par le niveau de culture générale qu’il y avait en Allemagne et par la grande implication du public, très diversifié, pour la musique classique. J’ai également beaucoup apprécié la mixité internationale, qui en fait existait aussi en Angleterre, mais en Allemagne je me retrouvais dans le “groupe des étrangers” … ; c’est donc là que je me suis rendu compte de tout l’intérêt qu’il y a à mélanger les nationalités et à quel point cela enrichit la vie.

V.B : Faire un mix des approches pédagogiques et musicales de ces trois pays te semble-t-il intéressant ?

S.E : Je pense que tout « mix » élargit nos horizons, donc ça nous aide à faire des choix et à tirer le meilleur de chaque culture.

ETRE MUSICIEN, OUI ! MAIS COMMENT CHOISIR SA “SPÉCIALISATION” POUR VIVRE PLEINEMENT SA PASSION ?

V.B : Tu es passionnées de musique de chambre et de musique d’ensemble. Quand as-tu compris que ces deux disciplines auraient une importance particulière pour toi ? Et pourquoi aimes-tu tant la musique de chambre et la musique d’ensemble ?

S.E : En fait, même avant de jouer du violoncelle, quand je jouais du piano, j’avais formé un “club” dans mon école primaire pour nous permettre, à mes amis et à moi, de jouer ensemble. Donc je pense que ça a commencé très tôt pour moi ! J’aime la musique d’ensemble parce que j’aime faire partie d’une équipe et en jouant ensemble on partage quelque chose de vraiment très spécial. Et bien sûr, le répertoire est incroyable !

V.B : Quelle grosse différence y-a-t-il pour toi avec la vie de soliste ?

S.E : Pour moi la musique n’est pas faite pour être jouée seule…c’est collaboratif !

V.B : C’est une question qui reste un peu floue pour beaucoup de gens, non connaisseurs, et cela peut aussi être une question qu’un jeune musicien se pose…le choix de carrière. Aucun des métiers de la musique n’est supérieur ni inférieur à l’autre. Ce sont tous des métiers importants et bien qu’étant proches sur bien des aspects, ils sont aussi vraiment différents quand même. Choisir l’un ou l’autre doit donc correspondre vraiment à ce que l’on est et être en accord avec le caractère et les envies profondes de chacun ; d’où l’importance de choisir un métier par vocation, par passion avant tout, pour s’épanouir dans ce que l’on aime faire. Peux-tu nous donner ton avis à ce sujet ?

S.E : Faire de la musique c’est beau mais c’est aussi un métier difficile car il peut être dur de trouver ses “entrées” dans ce milieu et d’y évoluer facilement. Alors même si on a choisi une voie en particulier, il faut aussi accepter d’essayer d’autres choses et souvent ces autres aspects nous aident ensuite à évoluer. Par exemple, enseigner le violoncelle (et aussi l’anglais !) m’a fait énormément réfléchir et progresser sur moi-même, humainement et en tant qu’artiste ; adapter des partitions m’a donné une nouvelle vision sur la structure de la musique et m’a appris bien des choses sur l’orchestration, et donc sur les couleurs sonores.

V.B : As-tu des conseils à donner aux jeunes et à leurs familles ? Et s’ils sont dans le doute, comment peuvent-ils trouver leur vocation ? Comment savoir si l’on est vraiment “faits” pour être soliste, chambriste, professeur, accompagnateur… ?

S.E : Quand j’ai commencé à dire que je voulais devenir violoncelliste, tous les conseils autour de moi ont été négatifs. L’avis général était qu’il me faudrait avoir beaucoup de détermination pour réussir… et donc ça a été mon premier test. Tout cela m’a fait l’effet d’un challenge que l’on m’adressait et, finalement, cela m’a rendue plus déterminée que jamais… mais je ne sais pas si c’est vraiment un bon moyen d’aider à choisir !

Ce qui est sûr c’est qu’il faut vraiment beaucoup aimer la musique et avoir beaucoup de détermination ; et c’est vrai qu’il faut aussi savoir comment ne pas laisser les gens, les situations nous décourager et qu’il faut réussir à garder l’envie intacte quoiqu’il arrive.

V.B : Pour toi, qu’est-ce qui te correspond le plus heureuse ? Jouer en soliste, faire de la musique de chambre, jouer en orchestre, enseigner ? A travers quoi arrives-tu le plus à t’épanouir ?

S.E : La musique de chambre reste toujours très importante pour moi mais afin d’arriver à sortir le meilleur de moi-même, je me rends compte que j’ai besoin “d’un régime bien équilibré”, donc un peu de tout. Comme ça je suis toujours obligée de réfléchir sur des aspects différents de la musique. Pour m’épanouir, il faut surtout que je puisse travailler, parce que ce que j’aime le plus en fait, c’est travailler mon violoncelle…C’est après ça que je peux m’investir et m’épanouir pleinement dans toutes mes activités variées.

V.B : As-tu encore aujourd’hui envie de t’essayer à d’autres choses ?

S.E : Alors ça fait 5 ans que je fais beaucoup de musique baroque, donc pourquoi pas un peu de musique contemporaine dans le futur pour équilibrer ?!

ENSEIGNEMENT MUSICAL, TRANSMETTRE AUX AUTRES : UNE MISSION IMPORTANTE

V.B : Quand et comment as-tu su que tu avais aussi envie d’enseigner ? Qu’aimes-tu dans l’enseignement ?

S.E : Je me souviens au collège, j’avais une amie qui voulait jouer du violoncelle donc j’ai commencé à lui expliquer et à lui montrer des choses, et c’est à ce moment-là que je me suis rendue compte que j’aimais beaucoup faire ça. Après j’ai aussi enseigné l’anglais et le piano et tout ça m’a donné des idées pour mieux enseigner le violoncelle. J’aime le fait que chaque élève est différent et j’aime avoir à chercher le moyen de les faire progresser. Ce n’est jamais pareil.

V.B : La musique accessible à tous, voilà un idéal qui fait rêver. Malheureusement, dans certains cas ce n’est pas toujours simple. Parfois les Conservatoires ne sont pas toujours adaptés à la pratique amateure ou à tous les groupes d’âges, parfois ils manquent de places et ne peuvent pas accueillir tout le monde, ou parfois les structures, écoles, académies… manquent dans certains lieux géographiques. Penses-tu qu’il est important d’essayer de développer toujours plus de structures de proximités ? Et d’offrir des options encore plus nombreuses pour les musiciens amateurs de tous âges ?

S.E : Le système français des conservatoires est génial pour les élèves très appliqués et impliqués, qui ont des familles qui les soutiennent et qui habitent dans une grande ville. Les élèves en milieu rural, qui eux n’ont pas d’accès facile aux grandes villes, sont par contre parfois pénalisés et c’est dommage ! Car tout cela contribue à ne “réserver la culture” que pour certains milieux. Pour que la culture fasse partie de la vie quotidienne de tout le monde, il faudrait plus de structures de proximité et de qualité. Pour “créer” un public demandeur plus grand, il faudrait augmenter les possibilités de contact avec la musique à travers l’apprentissage ou encore à travers encore plus de spectacles et activités en rapport avec la musique.

V.B : Pourquoi est-il selon toi tellement important de développer encore plus l’accès à la musique et à la culture pour tous ?

S.E : Découvrir et apprécier la beauté de l’art, de la musique, de la littérature, du théâtre… nous enrichit sur tous les niveaux. Nous vivons mieux ensemble en société et sommes aussi bien mieux avec nous-même quand nous avons la possibilité d’ouvrir nos perspectives le plus largement possible.

LA MUSIQUE, SYMBOLE DE PAIX ET D’HARMONIE / “FONDATION BARENBOIM – SAÏD”
(Fondation Barenboïm - Saïd, Espagne : www.barenboim-said.es)
Daniel Barenboïm et Edward Saïd (crédit photo – Fondation Barenboïm – Saïd, Espagne : www.barenboim-said.es)

V.B : Pour continuer dans cette même idée que la culture et la musique sont primordiales, peut-être encore plus que jamais aujourd’hui, pour améliorer aussi les rapports humains et construire des générations futures plus pacifiques et plus aptes à vivre ensemble, Daniel Barenboïm, l’immense pianiste et chef d’orchestre que l’on ne présente plus, a mis son talent et sa notoriété au service de la paix en créant il y a de cela quelques années la “Fondation Barenboïm – Saïd”. Cette fondation a une mission première d’une très grande importance et ils font un travail extraordinaire. Peux-tu nous en dire plus sur leur mission et leur travail ?

S.E : La fondation Barenboïm – Saïd est une fondation espagnole développant plusieurs projets en Espagne, Allemagne et bien sûr en Palestine. Leur mission en Palestine est de contribuer au développement de la vie musicale dans le pays.

V.B : Peux-tu nous expliquer pourquoi cette mission est si importante ?

S.E : L’accès pour tous à la culture est tellement important pour bien vivre dans tous les sens.

V.B : Tu as toi-même travaillé au sein de cette fondation et a enseigné pendant cinq en Cisjordanie. Le travail effectué par la fondation et les gens, comme toi, qui ont la vocation et le courage aussi de s’engager pour aider autrui, même parfois dans des environnements politiques ou religieux instables voire dangereux… est admirable. Ce n’est pas chose facile. Comment et pourquoi avoir décidé d’aller les rejoindre ?

S.E : Je me suis toujours intéressée à la Palestine et son histoire. Puis quand j’ai fini mes études, deux amis à moi sont partis là-bas pour enseigner. La vie nous avait menés dans des directions diverses et je n’avais plus eu l’occasion d’y repenser…jusqu’à ce que, 10 ans plus tard, je rencontre le violoncelliste Peter Thiemann qui travaillait pour ce projet.

V.B : Peux-tu nous décrire ton expérience personnelle auprès de ces jeunes ? et ta vie en Cisjordanie ?

S.E : Il y a trop de choses à dire ! J’ai adoré mes 5 ans là-bas. Si je n’avais pas eu cette expérience, je ne me serais jamais rendu compte à quel point nous avons de la chance et énormément d’avantages dans nos vies en Europe. Ça m’a ouvert des horizons dans tous les sens.

J’ai trouvé les jeunes enthousiastes, ouverts, curieux, respectueux.

V.B : C’est une chose d’imaginer comment les choses peuvent se passer lorsque l’on part pour vivre une telle expérience mais la vivre c’est autre chose. As-tu eu des expériences ou des “surprises” positives auxquelles tu ne t’attendais pas ?

S.E : J’avais entendu parler de l’esprit accueillant arabe. Mais ça n’avait pas trop de sens pour moi jusqu’à ce que je voie à quel point c’était vrai. Aider les gens qui ont besoin sans demander de questions ; les nourrir, leur donner à manger, partager ce que nous avons même si on n’a pas grand-chose, ce n’est pas quelque chose que nous avons l’habitude de faire en Europe, malgré tous nos atouts dans la vie.

V.B : Qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?

S.E : J’ai compris à quel point un passeport change la vie ; c’est une chose à laquelle nous ne pensons pas beaucoup en Europe. Ma vie en Palestine était beaucoup plus facile que la vie de quelqu’un qui possédait une carte d’identité palestinienne ; moi je pouvais circuler en Israël, prendre l’avion de l’aérogare le plus proche (Ben Gourion en Israël). Cependant, bien sûr même les étrangers n’ont pas le droit à une circulation totalement libre. Ne jamais être sûrs des trajets que l’on va pouvoir emprunter, ne jamais être sûrs de savoir si on va arriver ou bien combien de temps ça va prendre, change bien la perspective des choses.

V.B : Qu’est-ce que ces cinq ans t’ont apporté ?

S.E : Une nouvelle perspective sur la vie ; cela m’a permis de réaliser combien la vie que je menais avant avait été facile et luxueuse, et combien je ne m’étais pas rendu compte que j’avais cette chance.

V.B : T’es-tu sentie changée après cela et si oui, comment ?

S.E : Je pense que je suis moins agitée maintenant pour les toutes petites choses embêtantes de la vie.

ALORS ? ETUDIER, JOUER, TRAVAILLER A l’ETRANGER … IMPORTANT, ENRICHISSANT OU PAS TANT QUE ÇA ?

V.B : Conseillerais-tu aux élèves (et parents) qui nous lisent de partir étudier, vivre à l’étranger ? Si oui, pourquoi ? C’est un choix très personnel qui va convenir à certaines personnes et pas à d’autres. Si on est curieux, si on a soif de découvrir d’autres méthodes, cultures, langues, visions, façons de vivre, c’est le bon choix. Qu’est-ce qu’étudier à l’étranger peut leur apporter de plus ?

S.E : Ça ouvre les horizons et ça rend plus sensibles et conscients face aux choses auxquelles on ne pense pas forcement si on ne quitte jamais son pays natal et ses habitudes. Visiter un pays en vacances n’ouvre pas les yeux et l’esprit de la même manière ; partir pour quelques mois ou bien des années dans un autre pays pour vivre des expériences de l’intérieur ou pour y faire sa vie nous permet de découvrir la vie quotidienne d’une manière unique et de découvrir aussi ce que ça signifie de vivre dans un autre pays et une autre culture.

INSTALLATION EN FRANCE / PROJETS MUSICAUX DANS LE GERS / MUSIQUE D’ENSEMBLE

V.B : Après ces cinq années en Cisjordanie, es-tu venue directement vivre en France ? Ou bien quand et pourquoi as-tu décidé de partir venir habiter dans le Sud-Ouest ?

S.E : Avec mon mari, nous sommes arrivés dans le Gers en 2002. Mon séjour en Palestine avait duré de 2008 à 2014. À la suite de notre rencontre en 1997, nous avons eu pour grand projet de partir nous installer à l’étranger et créer un centre où les gens pourraient prendre résidence pour faire des activités artistiques. Nous étions très attirés par les paysages de la Toscane en Italie mais dans le Gers nous avons trouvé des petites chapelles et des cyprès qui nous ont tant charmés…On a été séduits ! On s’était acheté un camping-car en 2001 pour pouvoir faire un grand voyage et choisir une région de France qui nous plairait. Mais avant de faire le grand voyage, on était tellement heureux d’avoir notre camping-car que nous avons eu envie de faire un plus petit voyage dans le sud-ouest de la France, pour nous “entraîner” pour le grand voyage prévu en été 2002. On a alors pris quelques rendez-vous avec des agences immobilières pour avoir une idée du marché… et c’est comme ça qu’en fait le grand voyage n’a jamais eu lieu. Nous avions déjà trouvé l’endroit de nos rêves !

Susan et son mari Brian dans la “Grange” – salle de concert de leur hameau qu’ils ont rénové ensemble

V.E : Depuis que ton mari et toi vous vous êtes installés dans le Gers, en 2002 tu as travaillé sans relâche pour développer de nombreux projets. Peux-tu nous parler un peu de ceux-ci ?

S.B : Notre projet commun c’est le développement d’un centre où nous pouvons héberger des gens qui viennent pour un séjour artistique. Ça peut être des professionnels pour une résidence artistique ou des amateurs pour un stage… Notre souhait final serait de pouvoir accueillir non pas que de la musique mais aussi des peintres, photographes, auteurs…

Quant à mon projet personnel, c’était de développer bien sûr la pratique des instruments à cordes dans le Gers, ainsi que la pratique collective pour les amateurs et les jeunes.

V.B : Tu donnes des cours de violoncelle bien sûr mais pas que ! Peux-tu nous présenter “Musique de chambre dans le Gers” ?

S.E : Notre but est de promouvoir la musique classique en milieu rural donc nous avons beaucoup de façons d’aborder ce large sujet. Notre vœu principal : créer une plus grande place pour la musique classique dans la vie de tous les jours pour que les gens ne me disent plus “ce n’est pas pour moi” sans avoir eu au moins la possibilité d’expérimenter par eux-mêmes, ou la chance de pouvoir assister à un spectacle vivant.

Nous avons plusieurs ensembles (2 pour adultes, 2 pour les jeunes) qui répètent régulièrement et jouent en concert dans les alentours, en partenariat avec d’autres formations. Nous faisons des animations dans des maisons de retraite et des centres aérés. Nous organisons aussi des concerts professionnels ainsi qu’un stage hébergé par an qui attire des gens venant de loin et qui favorise les rencontres et les échanges.

DÉVELOPPEMENT DE LA MUSIQUE DE PROXIMITÉ / CULTURE POUR TOUS

V.B : “Musique de Chambre dans le Gers”, dont tu es la Directrice artistique, offre donc des opportunités et de beaux projets musicaux qui touchent et impliquent de plus en plus de gens dans le Gers.  Peux-tu nous donner plus de détails ?

S.E : “Cordes à Samatan” c’est notre stage annuel hébergé. Il a lieu pendant une semaine début juillet. Notre partenariat avec les “Musicales des Coteaux de Gimone” nous a permis de donner aux stagiaires une résidence extraordinaire et nous avons des instrumentistes même venant du Japon, d’Angleterre, de République Tchèque…

“Jeunes Cordes” est un ensemble à cordes, avec des mini-stages de deux jours à chaque vacances, permettant de travailler le répertoire d’orchestre à cordes ainsi que de la musique de chambre.

“Cordettes”, c’est pour les enfants débutants qui commencent les cordes. Le but est de leur donner le goût du “travail ensemble” et la possibilité de bien se former à travers la pratique en orchestre.

Pour des adultes, il y a un orchestre symphonique et un ensemble de violoncelles qui répètent aussi régulièrement dans l’année.

V.B : Ce n’est bien sûr pas toujours évident de monter des projets artistiques. Les soutiens locaux, les subventions, l’implication des villes, d’associations culturelles, de volontaires, les apports financiers de toutes sortes sont essentiels. Qui peut participer et comment peut-on soutenir vos projets ?

S.E : Il suffit de prendre contact avec nous et de vous présenter ! Nos ensembles sont ouverts à tout le monde, à tous ceux qui pratiquent un instrument. Des adaptations de pièces et partitions sont faites sur mesure, donc jusqu’à maintenant nous arrivons à intégrer tous les niveaux qui se sont présentés.

En adhérant à l’association vous nous soutenez et vous nous encouragez dans notre travail. Nous recevons des dons en argent mais aussi en partitions, pupitres etc…

ENSEMBLES ORCHESTRAUX 

V.B : Tu as fondé, on l’a vu, plusieurs ensembles à cordes dans le Gers, peux-tu dire à ceux qui seraient peut-être intéressés, enfants ou adultes, pourquoi jouer ensemble et faire de l’orchestre est si important pour un musicien ?

S.E : Pour moi la musique, comme je te l’ai dit, est faite pour être jouée ensemble. C’est ce principe  de base qui m’a motivée pendant tous mes années d’enseignement, et c’est cette même idée qui m’a guidée aussi en tant qu’artiste. Partager les expériences, faire partie d’une équipe, apprendre à écouter les autres pour ensuite arriver à mieux se connaître et s’écouter, c’est si important, pour tout le monde et dans tous les aspects de la vie.

Cela développe tant de choses qu’on ne peut pas développer en travaillant seul(e) à son instrument.

Par exemple, être entourée de gens et jouer tous ensemble est beaucoup plus agréable que travailler seul(e) avec un métronome pour apprendre à jouer en rythme. Pour la justesse, ça aide beaucoup à former l’oreille de ceux qui jouent un instrument mélodique, qui ne jouent qu’une ligne de musique à la fois. Connaitre d’autres styles et répertoires de musique nous ouvre aussi des horizons nouveaux. Échanger avec d’autres personnes sur leurs méthodes et pratiques musicales, sur leurs parcours est très intéressant ! Et n’oublions pas qu’en fait, cela créé aussi une sorte de “famille musicale”.

V.B : Peux-tu nous parler des projets de tes ensembles ?

S.E : Les ensembles sont là pour rendre la pratique collective possible et accessible au plus grand nombre. Pour les adultes, nous avons choisi le format “un dimanche par mois”, car c’est souvent plus facile qu’une soirée en semaine ; pour les jeunes, nous avons préféré les mini-stages pendant les vacances, ce qui permet aux instrumentistes de venir de plus loin et donne un nouveau souffle aussi aux gens du coin.

MUSIQUE DE CHAMBRE

V.B : Fais-tu aussi travailler des groupes de musique de chambre ?

S.E : Oui les stages des jeunes sont aussi là pour faire de la musique de chambre ; quant aux adultes qui ont vu les progrès faits par les jeunes, ils ont finalement été tentés et on fini par former des groupes par eux-mêmes, donc je les fais travailler quand ils ont eu assez de temps pour répéter.

V.B : Pour ceux qui ne s’y connaissent pas trop, comment définirais-tu la musique de chambre ? Et en quoi est-ce différent et complémentaire du travail en orchestre ou du travail en solo ?

S.E : Musique de chambre = musique jouée sans un chef d’orchestre. Dans un orchestre, on apprend à suivre le chef et à écouter ; en solo on apprend à se perfectionner seul, mais c’est seulement en musique de chambre qu’on s’écoute vraiment, qu’on se perfectionne ; on travaille en équipe et avec de bons partenaires on peut se permettre d’être spontanés et de prendre des risques. L’intimité que l’on trouve en jouant dans un petit groupe permet aussi de vivre d’autres aventures, différentes de celles que l’on vit en jouant dans un grand groupe.

V.B : Pour tous ces projets, tu t’es entourée d’une équipe pédagogique. Est-ce aussi important pour toi de partager la musique avec tes collègues ?

S.E : Pour moi, faire de la musique veut dire “jouer avec les autres” donc c’était inimaginable que je travaille seule. Pouvoir travailler dans une équipe est une des raisons pour lesquelles j’ai développé l’association.

ENVIES MUSICALES ET PROJETS A VENIR

V.B : Tu joues d’ailleurs en parallèle toi-même dans diverses formations de musique de chambre et dans diverses formations et orchestres, dont l’Ensemble Baroque de Toulouse, les Sacqueboutiers de Toulouse, l’Orchestre Mélodia, ainsi que l’Orchestre de Chambre d’Ariège et beaucoup de formations de musique de chambre en baroque ou en moderne (Ad Astra, Ensemble Actio, Spirito Vivo…) Qu’aimes-tu particulièrement quand tu joues en musique de chambre ? En orchestre ?

S.E : En musique de chambre j’adore quand j’ai des partenaires avec qui on peut prendre des risques sur scène et quand on vit une expérience musicale commune ensemble. En orchestre c’est la sonorité qui m’intéresse ; être au milieu de toutes ces couleurs sonores. Et bien sûr le répertoire !

V.B : Peux-tu nous en dire plus sur ton actualité prochaine ?

S.E : Mi-mai je ferai un programme musique de chambre très intéressant avec soprano, flûte et piano, Bernstein, Piazzolla, Ravel. Fin mai et juin c’est plutôt le violoncelle baroque qui prend le devant, avec deux programmes différents : un programme axé sur les origines du violoncelle, avec donc basse de violon, violoncelle et un violoncelle spalla (Selma, Vitali, Colombia, Boccherini, Paxton) puis un autre programme avec soprano, clavecin et violoncelle (Caldara, Händel, Geminiani)

V.B : Tu as une vie musicale bien remplie avec tout ça. Repars-tu parfois jouer en Angleterre ou à l’étranger ?

S.E : On a le projet de faire des concerts en Angleterre et au Danemark avec Ad Astra, mon trio soprano, clavecin, violoncelle.

V.B : Quelles autres envies ou projets as-tu envie de réaliser dans le futur ? Toujours en France ?

S.E : Evidemment, notre plus grande envie : pouvoir accueillir beaucoup de monde dans notre hameau !

Puis pédagogiquement, j’aimerais surtout trouver une façon de présenter la musique d’ensemble en milieu scolaire et particulièrement de permettre aux jeunes de jouer en groupes dans les écoles primaires. Tout cela, surtout en France, parce que ce n’est pas très courant ici.

J’aimerais aussi trouver un moyen pour apprendre à mes élèves de violoncelle de bonnes bases théoriques à travers le chant, et j’aimerais aussi pouvoir leur faire découvrir la théorie de manière plus concrète à travers la composition pour qu’ils deviennent “acteurs” et donc actifs dans leur propre formation.

CONCERTS ET SPECTACLES VIVANTS / L’IMPORTANCE D’ALLER AU CONCERT 

V.B : Le spectacle vivant est si important est formateur. Quels conseils donnerais-tu aux parents et élèves pour les inciter à aller plus assister à des concerts ?

S.E : Que c’est un plaisir à partager absolument ! Aller au concert avec ses enfants, c’est partager de grands moments pleins d’émotion en famille, et ça laisse des souvenirs inoubliables ! Et puis, si un jeune n’entre pas dans une salle de spectacle avant 20 ans, il y a peu de chances, voire aucune chance, qu’il y aille ensuite en tant qu’adulte. Alors leur permettre de découvrir tout ça et leur donner cette envie pour plus tard, c’est déjà une très bonne raison en soi !

V.B : Donc d’après toi un enfant doit être habitué jeune à aller aux concerts ?

S.E : C’est sûr qu’il ne faut pas forcer un enfant, mais l’aider à s’habituer, oui ! Toutes les choses qui nous sont habituelles ou bien familières nous semblent plus agréables. On est donc toujours plus ouverts plus tard si on a été habitués jeunes.

V.B : Ceux qui ne connaissent pas encore ont parfois peur du répertoire classique, peur de s’ennuyer, de ne pas comprendre ce style musical, or la musique classique est bien sûr adaptée à tous, il faut juste la découvrir. Par quoi dirais-tu qu’ils devraient commencer leur initiation musicale ? Quel programme, répertoire, formation, type de représentations… ?

S.E : Il y a de supers concerts pour enfants maintenant. Mais il faut aussi les éveiller au monde environnant et leur apprendre à profiter de tout ce qui nous entoure, de toutes les représentations artistiques que nous pouvons trouver dans nos vies de tous les jours :  si un groupe de musique joue dans la rue, il faut s’arrêter, écouter, en discuter, regarder…pour cultiver le goût de “voir et écouter la musique”, quel que soit le style, en live.

Le fait d’écouter la musique à la maison est aussi très important et aide à familiariser l’enfant avec cet art.  Il faut aussi les amener voir des représentations et spectacles divers parce que le côté visuel est très important pour les enfants. Et puis, certains instruments peuvent attirer plus leur attention quand ils sont jeunes : par exemple, d’après mes expériences de concerts pédagogiques, les enfants sont toujours fascinés par la harpe et la contrebasse.

“LA GRANGE”, UNE SALLE DE CONCERT ET DE RÉPÉTITION EN PLEIN CŒUR DU GERS
“La Grange”, salle de concert du Hameau de Susan et Brian (à Cavaillet, dans le Gers)

V.B : Ton mari et toi avez même créé une salle de concert, “La grange”, c’est bien ça ?

S.E : Absolument, au cœur de notre hameau “La Bordères” près de Vic-Fezensac.

V.B : C’est un très beau lieu, insolite aussi, puisqu’il se trouve dans une ancienne grange rénovée entièrement, qui bénéficie d’une belle acoustique grâce aux pierres et bois d’origine que vous avez gardés. Une belle surface pour le public, un piano à queue et une véritable scène…tout est adapté pour pouvoir y faire des spectacles, des stages, des concerts. Sans oublier la magnifique nature gersoise qui ne peut qu’inspirer les musiciens et artistes qui viennent. Quel beau projet et quel travail vous avez fait avec ce lieu ! D’où est venue cette idée ?

S.E : Notre objectif a toujours été de créer un centre de vacances culturelles et artistiques. Mais ce centre ne pouvait exister dans nos imaginations sans une belle salle ! Quand nous avons trouvé le hameau, tout correspondait parfaitement à nos envies et à notre vision. En arrivant, on a d’abord rempli la grange avec tous nos meubles et cartons de déménagement.  Puis un jour un ami chanteur allemand est venu passer l’été avec nous, et lui, travaillait toujours dans cette grange parce qu’il aimait l’acoustique. Petit à petit on s’est habitués à l’appeler “salle de concert” (malgré les visages un peu étonnés de nos amis et voisins) et finalement, cette salle est belle et bien devenue  la salle de concert de notre centre !

V.B : As-tu encore d’autres idées ou d’autres envies de projets qui pourraient se développer sur ce même lieu ?  

S.E : Enormément ! Mais notre motto est “petit à petit”. Pouvoir héberger les gens, faire la cuisine et avoir un réfectoire sont aussi sur la liste des choses à faire.

V.B : Outre les concerts, est-il par exemple possible d’y enregistrer ?

S.E : Bien sûr. C’est idéal pour enregistrer, vu qu’il y a très peu de bruits autour. En plus, l’acoustique convient parfaitement, assez neutre avec peu de retour, mais bien claire et chaleureuse.

V.B : Avoir une belle salle à disposition pour répéter, jouer, enregistrer est denrée rare et c’est donc très recherché.  Est-il possible de la louer de manière ponctuelle ?

S.E : Oui, on est en train de le faire de manière officielle avec une agrégation.

QUESTIONS BONUS !

V.B : Si on te disait que tu ne pouvais continuer à jouer qu’un seul compositeur lequel serait-ce et pourquoi ?

S.E : Quelle question ! J’hésite entre Bach et Brahms mais j’avoue que même si j’ai fait beaucoup de baroque dernièrement, la musique de chambre de Brahms me nourrit d’une manière que je considère essentielle. Elle me permet de me plonger dans sa myriade d’émotions et de partager ses phrases filées avec soin, délicates et musclées en même temps et surtout, pour moi, c’est un cadeau que de pouvoir les partager avec d’autres musiciens et avec le public.

V.B : Ta pièce préférée ?

S.E : Le quintette avec clarinette de Brahms. Le quatuor à cordes a toujours une place spéciale dans mon oreille et dans mon cœur mais le dialogue que Brahms mène entre le quatuor et la clarinette est pour moi d’une beauté inestimable !

V.B : Merci beaucoup Susan pour ton temps. Et merci pour toutes tes réponses très intéressantes. Je te souhaite encore et toujours beaucoup de succès pour tous tes projets et pour tous les projets de “Musique de Chambre dans le Gers” !

Quant à ceux qui veulent en découvrir plus sur “Musique de Chambre dans le Gers”,  qui veulent participer aux stages ou aux ensembles orchestraux, ou qui veulent soutenir les projets en cours et à venir, voici le site où il faut aller pour contacter Susan : www.musiquedechambre.net

A très bientôt pour un nouvel article,  chers amis internautes!

 

 

Les coulisses de la musique avec Susan Edward

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