ENTRETIEN AVEC DANIEL PARISOT
Nous avons la chance aujourd’hui de pouvoir bénéficier des conseils avisés de Daniel Parisot, directeur de l’entreprise « Pianos Parisot » basée à Ramonville près de Toulouse, accordeur et réparateur professionnel diplômé de la prestigieuse «Académie Steinway» réservée aux meilleurs techniciens français & étrangers, qui fournit et accorde les pianos des grandes salles, des grands orchestres et festivals d’Occitanie tels que Jazz à Marciac, L’Orchestre et le Théâtre du Capitole, Les Grands Interprètes, Piano aux Jacobins, ainsi que l’INSA, le Conservatoire de Toulouse et bien d’autres.
Voici l’occasion pour tous ceux qui souhaitent acquérir un piano mais qui ne savent pas comment s’y prendre pour faire le bon choix de pouvoir être bien aiguillés !
COMMENT CHOISIR UN BON PIANO ?
Véronique BRACCO : Alors tout d’abord merci beaucoup Daniel d’avoir accepté de participer à cette petite série d’interviews pour mon blog.
Pour tous ceux qui sont sur Toulouse et sa région, qui veulent commencer le piano, qui cherchent un instrument, ou même pour les non débutants qui veulent changer d’instrument, bien sûr je vous conseille d’aller rendre visite à Daniel et son épouse Christine à Ramonville.
Vous y trouverez obligatoirement votre bonheur et surtout, vous serez entre de bonnes mains, conseillés par des professionnels sérieux et de confiance.
Passons maintenant en revue quelques questions importantes que tout le monde se pose quand on veut acquérir un piano.
Le piano est un instrument qui attire beaucoup. Un peu partout les classes de piano sont toujours pleines ; petits et grands veulent s’essayer à ce magnifique instrument et chaque rentrée, voire même en cours d’année, de nombreux nouveaux élèves s’inscrivent, pleins d’enthousiasme, pour commencer une belle aventure musicale.
Mais finalement, souvent peu s’y connaissent, peu ont les clés pour choisir seuls un bon piano, pour faire à la fois une bonne affaire mais aussi surtout pour faire un choix qu’ils ne regretteront pas ensuite et qui saura les aider dans l’apprentissage. Peu savent aussi qu’ils ont des options diverses à leur disposition.
C’est pourquoi je voulais faire un point avec toi Daniel aujourd’hui, afin d’aider ceux qui sont en quête de conseils et qui souhaitent acheter un piano.
Premier point important : piano acoustique ou piano numérique ?
De mon côté, sans l’ombre d’un doute je dirai toujours que rien ne vaut un piano acoustique pour travailler, progresser, être motivés…et ce, quel que soit le niveau de l’élève. Sur bien des aspects, que je développerai dans un prochain post, un piano numérique n’est pas l’instrument idéal pour un pianiste en herbe, même si son « côté pratique » séduit de plus en plus. Je conseillerai donc toujours de prendre un piano acoustique plutôt qu’un piano numérique si cela est possible.
Mais peux-tu maintenant nous donner ton point de vue de technicien professionnel du piano Daniel ? Et nous expliquer les différences techniques importantes entre ces deux instruments ?
Daniel PARISOT : Je pense très sincèrement qu’il n’y a pas « photo » entre le piano acoustique, dont le son est produit par une corde qui rentre en vibration sous l’impact du marteau, vibration ensuite transmise à la table d’harmonie en bois (généralement de l’épicéa) et un clavier numérique.
La mécanique d’un piano acoustique, qui est composée de 10000 pièces environs, permet la transmission du toucher du pianiste et de son interprétation aux cordes.
Sur un clavier électrique, tout n’est qu’imitation. Le son est « numérisé » et diffusé par des hauts parleurs, le toucher simule la sensation de mécanique mais il faut atteindre un niveau de prix élevé pour obtenir un résultat satisfaisant. Même pour un pianiste débutant la sensation, donc la motivation et le plaisir, seront plus importants avec un piano acoustique de qualité correcte.
V.B : L’autre question qui revient elle aussi toujours… « Oui, mais ce n’est pas le même prix » …C’est vrai, mais outre le fait que le prix est aussi synonyme de qualité, les gens ignorent souvent qu’il existe des solutions simples pour pouvoir prendre un piano acoustique sans se ruiner.
D.P : Pour le prix, c’est un faux problème car il y a des pianos abordables et des numériques très chers. Par ailleurs, l’investissement sur le long terme est indubitablement et nettement à l’avantage du piano acoustique qui, trente ans après, a encore de la valeur.
Je vous laisse imaginer pour le numérique.
Sans oublier que pour à peine 40€ par mois vous pouvez louer un piano de bonne qualité et le transformer en achat si le ou les pianistes, enfants ou adultes, persistent. Cela évite la période d’essai démotivante sur un numérique « jouet ».
V.B : Et sinon, à part le piano acoustique et le piano numérique, il existe aujourd’hui d’autres options. Une 3ème option très intéressante, pour ceux qui ont des soucis de voisinage ou qui ne peuvent travailler qu’en soirée : le piano avec système Silent. Peux-tu nous en dire plus sur ces pianos ? Comment fonctionnent-ils ? Pourquoi est-ce intéressant ?
D.P : Le piano silencieux, qu’est-ce que c’est ? Vous prenez un piano acoustique normal, vous lui ajoutez une sourdine numérique et le tour est joué. Les avantages étant que vous pouvez utiliser votre piano 24h sur 24 dans les deux modes suivant le cas. Lorsque vous jouez avec le système silencieux vous conservez le fonctionnement de la mécanique et le toucher du piano. Plus de gêne pour les voisins la nuit ou pour le bébé qui fait la sieste ou toute autre situation génératrice de conflits.
V.B : A partir de quel prix peut-on acquérir un Silent ? Et y-a-t-il là aussi possibilité de le louer ou de l’acheter en location-vente ?
D.P : Oui, bien sûr il est possible aujourd’hui de louer un piano avec système silencieux pour 60€ par mois avec les mêmes possibilités d’achat que pour un piano normal. Le prix d’achat varie en fonction de la qualité du piano mais aussi de la qualité du système. Les prix pour un produit de qualité vont démarrer vers 5000€. Très peu de chance de trouver un modèle récent d’occasion. Par contre il est possible d’ajouter un système silencieux sur un piano.
V.B : Pour les Pianos Silencieux, Yamaha semble rester encore aujourd’hui la marque garante de qualité dans ce domaine ; il peut même parfois être relativement délicat de s’aventurer vers d’autres marques avec silencieux si l’on veut s’assurer d’avoir un bon piano, un bon silent, un son et un toucher qui fonctionnent parfaitement. Peux-tu nous donner ton avis de professionnel ?
D.P : Yamaha fabrique des pianos depuis 1890 et consacre 4% de son chiffre d’affaire en recherche et développement. C’est effectivement l’inventeur des systèmes « hybrides » qui se déclinent en 3 familles, les silencieux, les transacoustiques et les disklavier. Toutes les pièces sont conçues dès l’origine pour s’intégrer dans chaque modèle de piano. C’est incontestablement un avantage par rapport aux systèmes adaptables qui sont montés sur certains piano neufs ou d’occasion. Yamaha est donc le leader incontestable sur ce marché grâce à son rapport qualité prix.
Bien sûr d’autres marques se sont elles aussi équipées de systèmes silencieux ou reproducteur de qualité qui leur sont propres tel que Steinway ou Bechstein, mais dans un segment de prix plus élevé.
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V.B : Et sinon, pour revenir aux pianos acoustiques droits, quels pianos recommandes-tu et pourquoi ? Pour un tout débutant ? Et pour un pianiste avancé ?
D.P : J’ai pour principe de penser que même un débutant doit pouvoir accéder à un piano digne de ce nom. On fait souvent la différence entre un piano d’étude et un piano d’interprétation, ce qui correspond plutôt à des gammes de prix. Débutant ou confirmé, l’essentiel est de bénéficier d’un bon piano avec un bon toucher et si possible d’une belle sonorité. Un piano d’étude va se situer entre 3500 et 5000 €. Un piano d’interprétation de qualité entre 8000 et 12000 €, sachant que certains pianos droits peuvent valoir au-delà de 20000€.
Sujet complexe et simple à la fois. Pour ne pas se tromper il faut acheter une vraie marque, d’origine allemande, européenne ou japonaise et cela a forcément un coût mais c’est un investissement qui garde sa valeur, qui sera revendable correctement et surtout qui donnera satisfaction et motivation au pianiste.
A éviter absolument les fausses marques généralement à consonance allemande, mais pas que …, qui sont en réalité des assemblages de pièces asiatiques, ou plus grave, qui arrivent déjà assemblés de chine et qui sont vendus comme pianos allemands ou européens. La désillusion est en général rapide et la perte financière souvent proportionnelle à la désillusion.
V.B : Aujourd’hui, à l’ère du numérique et d’internet, beaucoup de gens se posent la question de l’achat en ligne pour leur premier piano. C’est parfois dangereux car idéalement pour choisir un piano il vaut toujours mieux l’essayer, aimer sa sonorité, son toucher ; …il faut qu’il vous convienne, qu’il convienne à votre jeu, à vos envies de couleurs sonores, de timbres, il faut qu’il offre aussi une marge de progression intéressante et qu’il soit adapté à votre niveau. C’est donc un choix important qu’il faut faire et comment le faire sans en comparer plusieurs, sans les essayer, sans se faire conseiller par un professionnel honnête. L’autre danger d’internet pour ce genre d’achats, c’est aussi qu’on ne peut pas vérifier l’état de la mécanique et l’état général du piano. Peux-tu nous donner ton point de vue de technicien sur cette question ?
D.P : Je suis effectivement (ainsi que mon équipe) technicien plus que vendeur, mais je peux par mon expérience amener un réel conseil de choix en fonction du budget, du lieu et du niveau du pianiste.
J’aurais beaucoup d’exemples « d’achats – déceptions » sur internet…. A produits équivalents je comprends que l’acheteur éventuel cherche le meilleur prix mais c’est rarement le cas et surtout nous allons amener une réelle amélioration au piano que vous aurez essayé et comparé dans nos locaux par nos capacités grâce à l’accord, au réglage et a l’harmonisation. La garantie sera elle aussi plus efficace en local.
V.B : Et qu’en est-il des pianos d’occasion ? On peut parfois faire de très bonnes affaires, il est vrai, mais pas toujours. C’est assez difficile de savoir si l’on tombe sur cette finalement rare « bonne affaire » ou si on va se faire arnaquer. Y-a-t-il des astuces, des questions que l’on doit poser, des choses que l’on doit vérifier ?
D.P : Le meilleur moyen de ne pas se tromper étant de faire expertiser son futur piano par un professionnel de confiance pour l’achat chez un particulier. N’oubliez pas que pratiquement aucun recours n’est possible. Demandez la facture d’achat et le carnet d’entretien, prenez contact avec le professionnel qui a suivi le piano. Vous pouvez aussi trouver une bonne occasion chez un professionnel sérieux et compétent guidé par la satisfaction sur le long terme du client plutôt que par la simple réussite d’une vente. L’avantage c’est qu’il est plus facile de contester auprès d’un professionnel même si cela reste le parcours du combattant. On fait généralement du piano pour le plaisir et c’est regrettable quand cela se transforme en véritable cauchemar. A noter aussi qu’un bon technicien (le mécanicien du piano) est souvent de meilleur conseil qu’un enseignant, ce sont deux métiers différents. De plus, sujet délicat, l’orientation vers tel professionnel plutôt qu’un autre est parfois « intéressée » ….
En résumé, gardez votre libre arbitre dans le choix de votre piano.
V.B : Comment savoir si une mécanique de piano est encore en bon état ou pas ?
D.P : Difficile de réellement se rendre compte du niveau d’usure d’une mécanique sans une forte expérience de la facture du piano. De plus il faut ouvrir le piano ce qui n’est pas toujours évident, sauf chez un marchand.
La sensation de précision, de répétition au clavier peut être aussi une indication.
V.B : On dit souvent que pour un violon, « c’est comme pour le bon vin, plus il vieillit et meilleur il devient ». Ce n’est malheureusement pas pareil pour un piano. Pourquoi ?
D.P : On rentre là dans un domaine plus technique mais je vais essayer de rester simple. Le piano possède 88 notes mais chaque note est composée d’une, deux ou trois cordes, soit au total environ 200 cordes.
La tension (ou traction) de chaque corde est en moyenne de 100Kg soit une traction totale de 20 tonnes, ce qui est gigantesque et justifie la présence du cadre métallique pour compenser ces forces.
L’ensemble des cordes exerce une pression (la charge) sur la table d’harmonie. Vu la puissance de cette pression elle provoque au fil des années un affaissement de la table donc une perte de son. Bien sûr cela dépend de la qualité des pianos à la construction. Certains Pleyel des années 1930 sonnent encore à merveille…
Il faut aussi rappeler que l’ensemble mécanique clavier est très complexe et a évolué tout au long du vingtième siècle pour aboutir (à la demande et avec l’aide des pianistes) à des performances de précision et de vélocité très élevée.
V.B : Pour ceux qui ont le budget, l’envie et la place, parlons pour finir des pianos à queue. En tant que pianiste, on rêve toutes et tous d’avoir un piano à queue chez soi tellement la différence est grande avec un piano droit. Mais peux-tu nous expliquer de manière plus technique ces différences ? Qu’est-ce que jouer sur un piano à queue apporte à un pianiste ?
D.P : Le piano est une évolution du clavecin avec un passage de la corde pincée à la corde frappée qui permet au musicien de moduler la puissance de chaque note. Les premiers pianos étaient des pianos à queue. Leur fonctionnement est beaucoup plus naturel. Le piano droit a été inventé plus tard pour des questions de place et de prix. Les principes de base sont les mêmes c’est simplement la position des composants qui change.
Toutefois deux éléments les distinguent vraiment. Le piano à queue de concert peut mesurer jusqu’à 3 mètres donc avoir beaucoup de puissance pour remplir le volume sonore de grandes salles. La mécanique, elle, possède un double échappement (inventé par Sébastien Erard, facteur de piano français) qui lui permet une répétition en fond de touche qui facilite l’exécution du pianiste. A un certain niveau de pratique du piano le piano à queue devient indispensable. Attention toutefois certains très bons pianos droits sont de qualité supérieure à des pianos à queue de qualité moyenne.
V.B : Personnellement j’adore les mécaniques allemandes et les sonorités chaudes et rondes, mais peux-tu nous dire quelles marques tu recommandes et pourquoi ? Quelles sont leurs spécificités ?
D.P : En ce qui concerne les mécaniques, je pense sincèrement que les mécaniques allemandes et japonaises se valent. La précision du toucher ainsi que la capacité de répétition sont très importantes pour faciliter le jeu du pianiste. C’est pour moi un critère de choix plus important que le son. Bien sûr si on peut avoir les deux…Je donnerais même un léger avantage aux mécaniques Yamaha qui ne se dérèglent jamais.
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UN BON EMPLACEMENT POUR SON PIANO ET UN BON ENTRETIEN
V.B : Quelques derniers points importants : choisir, autant que possible, un bon emplacement dans la maison pour mettre son piano acoustique est important. Pour un piano à queue, la question de la place et de l’acoustique se pose. Quant au piano droit, l’avantage, est, que lui peut se placer contre un mur et donc prendre moins de place qu’un piano à queue. En tout cas, quel que soit l’instrument, selon la taille de la pièce, selon les matériaux environnants, le sol, le mur… le piano peut avoir des « problèmes » d’acoustique. Il peut par exemple « sonner un peu trop ». Comment peut-on améliorer ce problème ?
D.P : Le piano est un instrument puissant qui génère de nombreuses vibrations dans l’air et dans le sol. Les principales solutions pour minimiser ces inconvénients consistent à placer sous les roulettes un silentbloc qui évite la transmission au sol et positionner une mousse acoustique alvéolée, véritable piège à son, entre le piano et le mur. Il est possible aussi d’intervenir sur la texture du marteau pour obtenir un son plus doux si l’état du feutre le permet. En dernier recours il faudra travailler sur l’acoustique de la pièce avec l’aide d’un acousticien.
V.B : Parlons un peu de l’entretien : premier conseil essentiel, il est vraiment important de le faire accorder chaque année (nous en reparlerons d’ailleurs de manière plus complète dans un futur post). Mais évoquons aussi un autre point important pour s’assurer de bien entretenir son instrument : l’hygrométrie. Comme tous les instruments, le piano est sensible aux changements d’hygrométrie (humidité dans l’air). Peux-tu nous expliquer ce phénomène ? Et nous dire quels sont les endroits à éviter dans la maison ? Ou bien par quels moyens on peut contrôler ce problème ?
D.P : A éviter absolument la baie vitrée ensoleillée, surtout sur le noir qui absorbe la chaleur. Eviter aussi les changements brusques et la proximité d’un radiateur.
Le piano est composé à 80% de bois qui est particulièrement sensible aux variations d’hygrométrie. Celle-ci se mesure avec un hygromètre et peut être corrigée par divers appareils suivant le taux.
A mon sens le plus dangereux pour les pianos est un trop faible taux d’hygrométrie, par exemple 20%. Les risques de fente dans la table d’harmonie ou l’affaiblissement de la tenue de l’accord peuvent rapidement apparaître. Il faut rapidement compenser cette sècheresse qui est présente dans les maisons, plutôt en hiver et par grand froid, par un appareil approprié. Une expertise du lieu permettra un conseil approprié. Encore une fois les pianos de bonne facture résisteront beaucoup mieux que les autres. Il existe aussi des systèmes que l’on intègre au piano droit ou à queue pour un contrôle complet et permanent.
V.B : Merci Daniel pour tous ces conseils et ces précieuses informations ! Nous te retrouverons dans un prochain post pour parler plus en détails de l’entretien du piano, de l’accord et encore de bien d’autres points intéressants. Alors restez connectés !
PIANOS PARISOT
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