Debussy…100 ans déjà !
C’est il y a 100 ans aujourd’hui, le 25 Mars 1918, que nous perdions l’un des plus grands compositeurs français de tous les temps : Monsieur Claude Debussy. Triste jour pour notre pays, triste jour pour le monde et pour la musique.
Debussy, c’est plus qu’un compositeur pour moi… c’est un créateur révolutionnaire qui a su aller plus loin, qui a su transgresser et innover sans cesse, qui a su ouvrir une “porte magique” sur un univers musical d’une richesse et d’une beauté incroyables…Debussy c’est un génie qui nous porte au-delà même de la musique, des notes et nous invite à voyager, à ressentir, à imaginer, à jouer et vivre la musique en couleurs, en harmonies et en modernité…Debussy c’est l’évocation irrésistible et sensible de nouveaux horizons, de nouveaux espaces sonores… Debussy c’est l’ouverture sur le monde, sur les autres cultures et sur leur musique…De la musique venant d’Orient au Jazz, en passant par le cakewalk ou encore la musique espagnole, il a su s’imprégner des “couleurs” du monde pour mieux les intégrer à son propre univers. Debussy c’est un peu notre “peintre” musicien. Et quel peintre! Quel artiste et quel talent! Monet, à travers son art a marqué à jamais l’histoire de la peinture, et bien Debussy lui aura fait de même en musique. Sa musique nous offre tantôt la plus subtile des poésies, tantôt la plus suave des atmosphères, ou encore la plus drôle des aventures …Musique sensorielle, musique intellectuelle aussi…musique aux multiples facettes mais avant tout musique inventive. Il est finalement difficile de mettre Debussy dans “une case”…et puis pourquoi diable le ferions-nous? Pourquoi chercher des limitations? Pourquoi enfermer son art alors qu’il ne cherchait qu’à dépasser cadres et frontières musicales…? Ne souhaitait-il pas encore et toujours aller ailleurs? Plus loin, de manière différente, jusqu’à créer un nouveau langage, une nouvelle perception… Dans tous les genres son oeuvre inventive a su franchir de nouvelles frontières. De bien des manières il a su trouver une liberté telle que l’on n’écoute plus…on ne joue plus comme on le fait habituellement…on vit sa musique à travers des sensations, des émotions…L’écriture, les formes…il réinventait tout…Un musicien anti-conformiste qui a exploré lumières, timbres, couleurs, orchestration, rythmes, harmonies, ambiances… de la plus géniale des manières et avec la plus grande des convictions :
« Je suis de plus en plus convaincu que la musique, de par sa vraie nature, est quelque chose qui ne peut être coulé dans une forme fixe et traditionnelle. Elle est faite de couleurs et de rythmes. »
Debussy, un génie précurseur, pas toujours compris ni soutenu par ses contemporains. Son oeuvre déroutait beaucoup et a subi de nombreuses critiques…tout comme ce fut d’ailleurs le cas pour les premiers impressionnistes en peinture.
Heureusement il trouve tout de même aussi des appuis et des soutiens plein d’admiration. On écrira même de lui : “Un libérateur est venu” (Jacques Rivière) ; “il a reconstitué les plus primitives et les plus subtiles sonorités. La musique de Debussy est bien née” (Louis Laloy). Personne n’a été plus apte à entendre les voix de la nature, à en démêler les vastes harmonies, bruits confus pour le reste des mortels. Debussy exige de la note, de la mélodie, de la sonorité, la plus parfaite euphonie avant de l’admettre dans son œuvre. Un frisson nouveau a parcouru la musique (C. Chambellan)”.
Quoiqu’il en soit, il se devait de rester fidèle à ses envies et il savait au fond de lui qu’avec du temps, sa musique serait comprise. Il aurait écrit à un ami “Je travaille à des choses qui ne seront comprises que par les petits-enfants du 20e siècle”… Et qu’il a eu raison! Sa musique n’a pas seulement été comprise, elle a influencé bon nombre de compositeurs après lui, elle a ouvert la voie à de nouveaux horizons…
Debussy c’est la réinvention, la retranscription d’émotions, de sentiments et la liberté d’être et de ressentir…
« Je crois que je ne pourrai jamais enfermer ma musique dans un monde trop correct… J’aimerais mieux une chose où, en quelque sorte, l’action soit sacrifiée à l’expression longuement poursuivie des sentiments de l’âme. »
Dans son catalogue d’œuvres, il y a tant de chefs d’œuvres incomparables qu’en évoquer un ou deux seulement serait presque une faute grave. De Debussy il faut tout découvrir, vivre et redécouvrir à jamais!
Mais il faut bien commencer quelque part. Alors je vous invite à profiter de cette année de célébration du Centenaire de sa mort pour le faire en ma compagnie ici-même. Posts, articles, vidéos…seront postés au fil de l’année pour compléter notre immersion dans son univers. Un beau voyage en perspective donc.
Il nous a tant apporté…comment ne pas lui rendre hommage en célébrant sa musique!
Debussy, sa musique et moi…Merci Monsieur Debussy!
En cette journée anniversaire, et parce qu’il a tant fait pour la jeune pianiste que j’ai été et qu’il a ouvert tant de portes pour moi, comme je vous l’expliquerai dans un instant plus bas, je prends ce moment pour me souvenir…et pour dire “Merci à vous, Monsieur Debussy!”
Voici une humble vidéo de jeunesse…un souvenir important de mes premiers pas avec Debussy en concert ; je jouais ici le Doctor Gradus Ad Parnassum. Un moment plein d’émotions…Des émotions qui semblent encore là aujourd’hui juste à l’évocation de cet instant.
Bien sûr, nous sommes loin de la version idéale, j’étais jeune, j’avais à peine 2 ans et demi ou 3 ans de piano et la fougue de la jeunesse l’emporte encore trop sur l’écoute, le calme et la maîtrise parfois…La vidéo a mal vieilli et le son est lui aussi loin d’être optimum…Mais tant pis…Ce fut pour moi un tel grand moment, une étape si importante dans mon parcours musical, dans mon avancée pianistique, et surtout cela reste un merveilleux souvenir. Alors, en espérant votre indulgence…je poste tout de même ce petit souvenir et vous souhaite une bonne écoute!
Mon premier contact avec la musique de Debussy
Je souhaiterais maintenant juste évoquer mon premier contact avec la musique de Debussy, tellement il a été important dans mon parcours.
Ce premier contact s’est fait jeune et surtout assez rapidement après mes débuts. Comme beaucoup de jeunes pianistes, mon professeur me fit découvrir très vite son célèbre “Petit Nègre” et c’est ainsi que j’entrais dans son monde et découvrais son univers musical. Cette pièce rebondissante, enthousiasmante, avec son influence jazzy et son emprunt au Cake-Walk, une danse populaire des afro-américains de Virginie…une musique jusqu’alors si éloignée de mon univers musical, représenta une étape importante dans mon apprentissage.
Je le disais, jusque là mes premiers amours étaient très classiques, Mozart régnant en maître sur la musique que j’écoutais alors. Mais justement ce fut le bon moment pour élargir mes horizons et découvrir ce nouveau monde musical si différent à travers le “Petit Nègre” fut une petite révolution pour moi. Cette musique presque sortie d’un “cinéma muet”, cette sorte de danse désarticulée avec ce rythme déhanché et ses harmonies si nouvelles pour moi m’a de suite conquise. Je me revois en train de travailler ce début “bouncy” à souhait, ces tierces chromatiques où l’on se perd parfois au début, puis me jeter avec enthousiasme sur ces syncopes euphorisantes…avec une envie enivrante d’arriver à bien jouer. C’était une véritable “exploration” pour moi. Et puis, Debussy au piano…c’est aussi l’exploration de nouveaux modes de jeux, de techniques différentes…de sonorités et d’harmonies nouvelles dont mes oreilles se délectaient de suite… de jeux de pédales…et d’une approche presque plus instinctive et primitive du rythme…En tout cas, c’est ainsi que j’ai vécu ce premier contact.
Cette facette de Debussy, elle est drôle, elle est énergisante et pleine d’humour. Voici, un peu dans le même style, puisqu’il s’agit d’un cake-walk également, le Golliwogg’s Cakewalk, avec ici une rareté… Rachmaninov qui interprète lui-même la pièce!
Doctor Gradus Ad Parnassum
Un monde nouveau s’ouvrait à moi. Et je n’avais de cesse que d’approfondir cette découverte. Aussi très vite, à peine peut-être 2 ou 3 ans après mes débuts pianistiques, mon professeur me fit la joie de me donner “Doctor Gradus ad Parnassum”.
Moi qui croyais avoir compris et tout vu de la musique de Debussy…me voilà en train de découvrir que sa musique avait bien d’autres facettes inattendues!
Un Doctor Gradus Ad Parnassum innovant…loin de ses “ancêtres” un peu plus “rébarbatifs”, loin des ouvrages pédagogiques et autres séries d’exercices musicaux incontournables de l’époque de Muzio Clementi ou Carl Czerny. Debussy lui avait choisi d’en faire une sorte de “parodie”. Gentiment et avec beaucoup d’humour, il se moque de ces redoutables exercices du passé…en donnant à sa pièce une fraîcheur, une spontanéité et surtout une modernité et une richesse harmonique incroyables. A sa manière, il réinvente son sujet…et donne vie à une pièce où la technique devient musique, où l’harmonie devient atmosphère, où l’écriture et l’exercice ne sont plus et laissent la place à un véritable morceau de concert. Une oeuvre dédiée aux enfants, mais qui a semblé offrir à l’enfant que j’étais la sensation incroyable qu’un grand pas avait été franchi dans mon apprentissage…Avec Debussy, j’ai eu je pense pour la première fois l’impression, le temps de ces quelques deux minutes, que je découvrais un peu plus les joies du récital en soliste. Pourquoi…? Je ne sais pas exactement…Je pense que justement la modernité de l’écriture, les nombreuses nouveautés techniques et la joie d’arriver à maîtriser petit à petit tout cela me donnèrent tout simplement des ailes.
Plus tard encore, Debussy me surprendra, m’amènera plus loin…m’ouvrira d’autres portes. Je me souviens encore…Quelle découverte ce fut quand je commençai Pagodes…Un véritable éveil aux sonorités et aux harmonies dépaysantes d’Estampes…Un voyage sensoriel !
C’est Debussy qui m’a appris à écouter et à jouer avec la richesse harmonique d’une oeuvre, c’est lui qui le premier m’a fait découvrir de nouveaux timbres, qui m’a permis de voir qu’en musique aussi couleurs et lumières existaient, et c’est lui qui m’a donné envie de chercher atmosphères et ambiances…de ne plus jamais m’arrêter dans cette quête d’espace-son…C’est Debussy qui m’a révélé qu’il n’y avait pas de limites à la force évocatrice de la musique…
C’est aussi Debussy qui m’a fait réaliser qu’il me restait tant à découvrir. Ma “rencontre” musicale avec Debussy fut une nouvelle révélation pour moi. Une étape importante. Je faisais alors mes premiers pas dans l’univers de la musique moderne. Je commençais à entrevoir tout ce qui m’attendait : tant d’autres voyages sonores, tant d’univers riches et variés à explorer…
Et c’est Debussy qui a préparé mon oreille, mon jeu et ma passion pour Ravel, Prokofiev, Fauré…et tant d’autres.
Alors, permettez-moi de vous dire encore une fois, “Merci Monsieur Debussy”!
A écouter…sans modération !
Ecoutez Estampes…Trois voyages, trois atmosphères, trois univers, trois pays…
Dans Estampes, qui est la première oeuvre pianistique majeure de Debussy, il redéfinit le rôle du piano qui devient “une machine à rêve et un compagnon de voyage imaginaire”.
Que le voyage commence!
Mais encore…
Il faudrait encore tant écouter…C’est impossible malheureusement en une seule fois. Mais nous aurons l’occasion d’écouter d’autres pièces tout au long de cette année “Debussy”, c’est promis!
Pour aujourd’hui, c’est avec “La Mer”, chef d’oeuvre orchestral et révolutionnaire de Debussy, que nous finirons ce post.
Entendez-vous les changements subtils d’atmosphères et de luminosité, les changements inattendus de courant, les dangers de la mer prête à se déchaîner…? Sentez-vous le vent marin, le balancement des vagues…?
Ecoutez-bien et laissez-vous transporter!
Attractif et intéressant. Si vous le souhaiter, je peux publier cet article dans ma revue Lux in Nocte.
Vous pouvez consulter le premier numéro sur luxinnocte1.wordpress.com
Je vous ai déjà laissé un message à ce sujet;
Merci encore pour votre message. Ce sera un plaisir de participer à votre prochaine publication en Juin comme nous en avons parlé! A très bientôt donc 🙂 Bonne journée