Les coulisses de la musique avec Cécilia Royer-Cardona

ENTRETIEN AVEC CÉCILIA ROYER-CARDONA
Flûtiste, Professeure de Flûte traversière Certifiée, Pédagogue, Cheffe d’Orchestre et Compositrice-créatrice de Méthode Pédagogique 
Cécilia Royer-Cardona et son époux, le pianiste Nicolas Cardona, en concert

Bonjour à tous !

Aujourd’hui, parlons Flûte Traversière! Pour ce nouveau rendez-vous de ma série « Les coulisses de la musique », j’ai le grand plaisir de m’entretenir avec Cécilia Royer-Cardona, flûtiste, professeure de flûte traversière certifiée, enseignant et dirigeant sur Toulouse et sa région, à l’EIMSET ou encore à l’ISDAT et travaillant également avec le Conservatoire de Toulouse où elle dirige, enseigne et mène diverses actions artistiques et pédagogiques au sein de leur programme « Play Music »…

Une artiste complète, passionnée de pédagogie qui compose et a même créé sa propre méthode de flûte pour débutants, dont je voulais vous présenter le travail aujourd’hui. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur son parcours, sa vision de la pédagogie, de la musique et ses projets…

Alors installez-vous bien chers internautes et bonne lecture !

Véronique BRACCO : Bonjour Cécilia ! Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à mes questions aujourd’hui. Je suis vraiment ravie de pouvoir m’entretenir avec toi au sujet de ton bel instrument, de ton parcours, de tes multiples casquettes artistiques et surtout, je suis très contente de pouvoir aussi parler de ton travail de pédagogue, de compositrice ainsi que de tes projets, tous très intéressants.

PARCOURS

Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de ton parcours ?

A quel âge as-tu commencé la flûte traversière ? Te rappelles-tu de ton premier contact avec l’instrument ? Qu’est-ce qui t’a attiré dans cet instrument ? Tes parents étaient-ils musiciens ?

Cécilia ROYER-CARDONA : J’ai commencé la flûte traversière à 8 ans. J’ai entendu pour la première fois ce son dans une église, l’église de la Daurade à Toulouse. Mes parents venaient d’acheter un piano pour ma sœur, et s’imaginaient nous faire prendre des cours à toutes les deux mais dans cette acoustique de la Daurade, j’ai été enveloppée par le son de la flûte et j’ai dit à mes parents que c’est ce que je voulais faire. Étant tous les deux musiciens amateurs, passionnés de musique, ils ont accepté l’investissement dans un nouvel instrument.

V.B : Quand as-tu su que tu voulais devenir flûtiste et musicienne professionnelle ? Quel a été l’élément déclencheur ?

C.R-C : L’élément déclencheur a été de débuter cet instrument ! Et ma professeure y est pour beaucoup. J’étais autant passionnée par la recherche de bien faire sonner la flûte que par l’observation de ma professeure dans sa façon de trouver un moyen, une méthode, une astuce adaptée à moi pour arriver à surmonter et dépasser les difficultés. Le plaisir d’une recherche subtile et riche tout en s’émerveillant musicalement.

V.B : Tu es professeur mais tu donnes aussi des concerts. Penses-tu qu’il est important de continuer à jouer lorsque l’on enseigne ? Si oui, pourquoi ?

C.R-C : Simplement parce qu’il me semble primordial de jouer dans le cours des élèves avec une qualité qui sert d’exemple. Les élèves n’ont pas accès à un concert de flûte par semaine, donc, tenant compte de la part « faire comme le prof » inévitable dans le cours, on doit proposer une qualité professionnelle. Et les concerts nous permettent de garder un contact, voir d’évoluer, de continuer à chercher sur notre répertoire, de le redécouvrir, de réinventer notre interprétation, de garder notre musique vivante. Et puis personnellement, je me sens musicienne avant tout, donc ne pas jouer en concert n’aurait pas de sens. Je veux partager la musique.

V.B : Quel répertoire aimes-tu jouer ?

C.R-C : Cela dépend des périodes de notre longue vie de musicien ! En ce moment, je me régale avec Bach. Je joue la Partita tous les jours et me plonge dans le clavier bien tempéré pour me régaler de son contrepoint. Mais j’aime aussi changer de flûte, et jouer de la flûte alto ou du piccolo.

PEDAGOGIE

V.B : Tu es professeure de flûte depuis maintenant 22 ans, à quel moment t’es-tu découvert cette passion pour la pédagogie ? Qu’aimes-tu dans la pédagogie ?

C.R-C : En fait j’ai donné mes premiers cours particuliers à 16 ans, cela fait donc 26 ans que j’enseigne. Donc j’ai recherché des méthodes pédagogiques alors même que je n’avais pas terminé mon apprentissage, parce que je voulais devenir dès le début, professeure. J’ai un très vif intérêt à comprendre l’élève, à trouver le moyen qu’il se dépasse et arrive à un résultat auquel il ne croyait pas forcément au départ. Et l’émotion de voir que l’accompagnement, le soutient, l’exigence, ont permis au jeune musicien de vivre la magie de la musique, et le voir donc se révéler personnellement, est d’une intensité vive, pour moi.

V.B : Tu es professeure Diplômée certifiée et tu enseignes entre autres à l’EIMSET de Labège, Esqualquens… J’ai eu le grand plaisir d’accompagner tes élèves cette année et en plus d’avoir une très bonne classe, j’ai vraiment beaucoup aimé le sérieux, l’implication mais aussi le naturel, la décontraction et l’envie de jouer que tu arrivais à faire passer à tes élèves pendant les cours. Ce n’est pas toujours le cas. On peut souvent trouver du « sérieux » accompagné de beaucoup de pressions, parfois même de rudesse…, ou on peut aussi trouver « de la décontraction et du plaisir » mais en perdant alors toute rigueur, tout sérieux et toute chance de véritables progrès. C’est un des véritables challenges pour un professeur : réussir à allier tous ces aspects. Comment vois-tu tout cela ? Et comment réussir selon toi un bon équilibre ? Peux-tu nous parler un peu de ta vision, de ton approche pédagogique ?

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C.R-C : Merci pour cet avis qui me fait très plaisir parce que l’équilibre entre exigence et détente est précieux et fragile, pour moi. Je pense que la première chose à installer avec l’élève c’est d’abord une confiance mutuelle, puis dans cette zone de confort, ne jamais perdre de vue que l’on est là pour se dépasser et que cela va demander un effort. De la part de l’élève et du prof. La pratique musicale est une exigence par nature. Ensuite le chemin doit se faire petit à petit, donc dans la détente et la conscience que l’on fait quelque chose d’important pour nous (car cette pratique musicale nous élève comme nulle autre) mais cela reste de la musique, donc, rien de grave. Que du positif. Ne jamais rien lâcher sur la qualité (musicale, technique et méthodique), en rigolant !

V.B : Tu introduis aussi dans tes cours, dès les premières années, des « exercices » d’improvisation, permettant de découvrir tous les modes de jeux de la flûte traversière. C’est une excellente idée et un très bon complément à l’enseignement général « habituel ». Comment t’est venue cette idée ? Pourquoi est-ce selon toi important de développer aussi l’aspect créatif des élèves, en les éloignant ainsi quelque peu de la « partition » pour mieux y revenir ensuite ?

C.R-C : En effet, dès la première année, je propose deux initiations : l’improvisation et la création. L’improvisation me permet, dans la méthode que j’ai élaborée, de commencer une approche harmonique de la musique avec l’élève flûtiste, donc mélodiste. Former l’oreille est un de mes rôles et l’oreille harmonique, par la nature de notre instrument, ne se développe pas autant qu’elle le pourrait. Et pourtant, elle joue un rôle primordial dans l’intonation et le plaisir de jouer. De plus, savoir lire les accords ouvre un nombre incalculable de portes sur les différents styles de musique et les différentes personnes avec qui l’on peut jouer !

La création me permet d’aborder de suite l’utilisation des modes de jeux contemporains, très riches à la flûte. Et la pratique de ces modes de jeux améliore considérablement le rapport intime que l’on crée avec son instrument, il devient plus naturellement une partie de nous. On l’explore, on se l’approprie. D’autant plus si la musique jouée est une composition personnelle ! Créer sa musique, c’est prendre confiance en son jeu, se sentir légitime, essayer de comprendre la construction, le langage musical, fait de tensions et de détentes, s’écouter différemment, sentir l’équilibre entre contrainte et liberté. Bref, de bons moments à vivre !

CRÉATION DE TA MÉTHODE DE FLÛTE
Cliquez sur l’image pour découvrir la méthode

Pour découvrir et acheter toutes les pièces et méthode de Cécilia, aller sur : www.flexeditions.com

V.B : J’ai été aussi impressionnée et très intéressée en découvrant que tu composais et que tu avais même « créé » une méthode de flûte pour débutants « Mes débuts de musicien à la flûte traversière », éditée chez Flex Editions. Etant moi-même compositrice et passionnée de pédagogie j’ai acheté ta méthode pour découvrir ton travail un peu plus en profondeur et je dois te dire vraiment bravo ! Quelle belle méthode ! Je la recommande absolument à tout débutant qui veut apprendre la flûte. Il s’agit d’une méthode très claire, très ludique et très bien faite, qui donne vraiment envie de se mettre aux joies de la flûte traversière…avec exercices, morceaux de ta  composition, tous très jolis et très originaux (bravo, là aussi !) et avec aussi beaucoup de « jeux » d’improvisation permettant de découvrir la flûte et la musique « de l’intérieur » … car après tout, on n’apprend jamais aussi bien qu’en faisant soi-même, non ?

D’où t’est venue cette idée de faire ta propre méthode ? Et comment s’est passé tout le processus de création pour toi ?

C.R-C : J’avais arrangé puis composé de petites pièces éditées chez Flex Editions, puis mon éditeur m’a proposé d’écrire une méthode. Je me suis lancée pendant mon congé maternité pour ma troisième grossesse. Je baignais donc dans un processus de création  ! En fait cela correspondait à une dizaine d’années d’utilisation de la même méthode et j’avais donc besoin de me renouveler, de mettre à plat mes envies et mes intuitions.

V.B : Je travaille moi-même sur une méthode de piano pour débutants et je sais qu’il n’est pas toujours simple d’arriver à « faire le tri » dans tout ce que l’on veut apprendre…mais c’est pourtant très important si on ne veut pas noyer l’élève de trop d’informations… De ce côté aussi ta méthode est très réussie ! Est-ce que ça a été simple pour toi ou as-tu à faire face à quelques dilemmes ?

C.R-C : Bien sûr ! Faire le deuil déjà d’une méthode parfaite ! Et devoir s’arrêter et dire là, c’est la fin. Finaliser, alors que l’on voit déjà quelles améliorations peuvent lui être apportées. Et rester à la fois ouvert à ce qui existe déjà et se rester fidèle, garder une démarche sincère et simple.

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V.B : Je l’ai dit, les morceaux sont composés par toi (ou arrangés par tes soins). Depuis quand composes-tu ?

C.R-C : J’ai osé appuyer sur la touche « envoi » à mon éditeur au début de l’année 2006. Il m’a encouragé à continuer ainsi que certains de mes collègues.

V.B : Très bonne idée aussi, le CD d’accompagnement ! Peux-tu nous présenter son contenu et aussi nous expliquer le principe général de chaque « leçon » de ta méthode ?

C.R-C : Cet instrument mélodique doit savoir vivre en harmonie avec les autres. Donc c’était inutile pour moi de concevoir cette méthode sans CD. Puis l’idée principale de cet ouvrage est de partir de la musique. Flûte ou pas flûte. C’est pour cela que j’ai choisi ce titre. Donc je voulais d’abord choisir des pièces pour leur côté musical et pour l’instrument avec lequel je pourrais créer un accompagnement. Bon, le choix des instruments accompagnants était simple : les amis, les collègues, la famille ! En clair, cette méthode est du «fait maison » et j’ai enregistré moi-même les musiciens dans des endroits parfois très bizarres !

Le principe des leçons est simple : un recueil de morceaux. La musique en premier, donc. Pratiquement chaque morceau permet de découvrir un nouvel élément technique. Si l’élève a besoin d’exercices, de méthode de construction du morceau il lui est proposé une aide, en fin de méthode qui pourra lui permettre de réussir à jouer le morceau. Cette aide est évidemment primordiale pour les acquis de lecture, de doigts, de son. Mais elle doit servir la musique à jouer.

V.B : Tu as aussi édité d’autres recueils et pièces chez Flex Editions et là encore, une idée très sympa et très intéressante sur leur site : la possibilité d’acheter la partition et de se la faire envoyer par la poste ou tout simplement de télécharger les partitions directement sur l’ordinateur. C’est très pratique. Peux-tu nous parler un peu de Flex Editions ?

C.R-C : C’est une maison d’édition qui ne cesse de progresser et qui est très à l’écoute des besoins des professeurs et des élèves des écoles de musique et des conservatoires. Le téléchargement permet d’acquérir les partitions à un moindre coup et en pouvant également télécharger le mp3 de l’écoute du morceau. Un professeur peut facilement faire son choix de morceau à faire travailler en ayant accès à la première page et à l’écoute du morceau.

LA FLÛTE EN QUELQUES POINTS

V.B : Revenons maintenant à ton bel instrument et à quelques aspects plus techniques. Tu excuseras mes questions de « novice »… J’adore la Flûte et votre répertoire, mais j’avoue (et je le regrette d’ailleurs) ne pas m’y connaître suffisamment sur beaucoup d’aspects…le piano et mon métier ne m’ayant pas laissé assez de temps pour approfondir cela jusqu’à aujourd’hui…

La flûte est un instrument qu’il faut assembler… Corps, embouchure, patte… Il est important que tout apprenti flûtiste connaisse bien son instrument et toutes ses parties. J’ai toujours trouvé dommage d’ailleurs que nous, pianistes, n’ayons pas de « cours  plus approfondis » nous expliquant la mécanique du piano plus en détails car je pense que cela serait un plus dans notre approche musicale et technique. Penses-tu que le fait de devoir ainsi mieux connaître la flûte créé une intimité plus grande avec votre instrument ? En quoi cela est-il bénéfique pour les jeunes qui commencent ?

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C.R-C : C’est évident que ce petit instrument que l’on peut amener partout, démontable, ne demande qu’à être considéré comme un doudou pouvant voyager partout avec son propriétaire ! C’est en tous cas ce que je conseille à tous mes débutants ! Sans compter le plein air ! Les oiseaux adorent tenir une conversation, c’est eux qui me l’ont dit !

V.B : Posséder une flûte cela signifie aussi l’entretenir, en prendre soin. Comment les tout petits vivent-ils tous ces paramètres ? Cela les responsabilise-t-il plus aussi ?

C.R-C : Oui, je leur présente comme l’objet le plus fragile et le plus précieux qu’ils aient acquis dans leur vie. Une boîte au trésor. Les accidents de parcours restent toutefois courants mais renforcent également leur attachement et leur attention pour leur instrument.

V.B : Contrairement à nous pianistes, qui changeons constamment d’instrument et devons nous adapter aux pianos mis à notre disposition, les flûtistes choisissent et jouent sur leur propre flûte. Le choix de l’instrument est donc important. Sur quels critères choisit-on sa flûte ?

C.R-C : Et bien je dirais que pour débuter, ce sera le professeur qui sera le guide et ensuite, comme tous les instruments, c’est essayer, puis avoir le coup de cœur. Et la raison nous permet de jeter un œil sur le prix, c’est inévitable !!!

V.B : Les flûtes traversières peuvent être faites de différents matériaux. Il existe par exemple des flûtes en argent et même en or… Cela joue une grande importance sur le son. Peux-tu nous en dire un peu plus là-dessus ? Et as-tu une préférence ?

C.R-C : Il est clair que l’utilisation de l’argent ou de l’or dans la fabrication d’une flûte n’a rien à voir avec le look ! L’argent et l’or donnent une qualité évidente à la qualité, l’ampleur sonore. De plus en plus de flûtistes utilisent également les flûtes en bois qui donnent une couleur encore différente. Pour ma part, j’ai une flûte en or avec le clétage en argent. Mais sachant qu’une flûte ne se bonifie pas avec le temps, je devrai la remplacer. Et qui sait quel matériau me séduira alors. La facture a autant, si ce n’est plus, d’importance que le métal ou le bois dans la qualité de l’instrument.

V.B : Parlons maintenant technique de jeu : la flûte étant un instrument à vent, y a-t-il besoin d’attendre un certain âge pour commencer, pour des raisons physiques ou des questions de souffle ?

C.R-C : On peut débuter la flûte dès 6 ans. Le répertoire alors joué est adapté aux capacités physiques des petits.

V.B : Combien de temps par jour un débutant doit-il/peut-il travailler ?

C.R-C : Le fait surtout de tenir ses bras en l’air et debout peut devenir fatiguant au bout de 20 minutes. Mais de toutes façons, au bout de 20 minutes chez les jeunes débutants, le cerveau crie déjà « Stop ! On va courir ? » Le secret c’est déjà d’installer un quotidien avec son instrument.

V.B : Et un professionnel ? Y-a-il là aussi, comme c’est un peu le cas chez les chanteurs, une limite de temps de travail, en relation avec les questions de souffle ?

C.R-C : La flûte est une activité physique générale intense, (surtout quand on travaille debout) pas seulement pour des raisons de souffle. En tous cas quand on joue vraiment. Donc, comme une activité sportive, plus on joue, plus on tient longtemps !

V.B : Au piano, un des aspects difficiles à aborder lors des débuts est le déchiffrage. Avec deux clés et souvent beaucoup de notes à jouer, sans oublier le côté polyphonique de l’instrument, la maîtrise de la lecture, puis aussi la coordination font partie des choses difficiles à gérer. Bien sûr pour vous, la gestion du souffle, de la respiration est une des grosses difficultés que vous rencontrez, d’autant qu’avec un peu de stress, on se retrouve vite le souffle « coupé » … comment abordes-tu ce problème avec tes élèves ?

C.R-C : La pratique de la flûte doit mettre en action et ce, indépendamment, les lèvres , la gorge, les poumons, le diaphragme, les muscles abdominaux, les doigts et j’en oublie et le stress, effectivement nous handicape considérablement puisqu’il serre notre gorge, crispe nos lèvres, accélère nos battements de cœur ( donc on est essoufflé) et fait trembler ou suer nos mains et nous assèche la bouche. Donc !!!! C’est bien ce que nous disions au début ! Restons détendu ! Pas le choix !

V.B : Et quels autres aspects sont difficiles au début pour un flûtiste en herbe ?

C.R-C : L’émission du son sur un instrument sans bec pour guider l’air reste très compliqué. Puis l’utilisation d’une technique respiratoire spécifique alors que respirer est un réflexe naturel.

V.B : Là aussi, j’ai toujours pensé que tous les pianistes devraient avoir accès à des cours de chant ou à des cours d’instruments à vent en parallèle des cours de piano au Conservatoire. La gestion du souffle est à mon avis tellement importante pour tous musiciens : pour aider à gérer le stress, mais aussi et surtout pour arriver à faire « vivre » une mélodie, une phrase musicale, une œuvre de manière naturelle en lui insufflant souffle, élan et direction. C’est je pense primordial, sinon tout s’alourdit…s’enlise… Qu’en penses-tu ? Aurais-tu des conseils à nous donner, à nous pianistes  ? Quels exercices pourrais-tu nous conseiller par exemple pour gérer le stress avant un examen, une audition, un concert… ?

C.R-C : Je pense que la pratique quotidienne d’exercices de respiration devrait s’appliquer au monde entier ! Pas seulement aux pianistes ! Notre respiration c’est notre source.

Ajouter des pensées positives et …. bon, c’est plus facile à dire qu’à faire….mais ça marche  !!!!

V.B : Dans beaucoup de pays, il est aussi obligatoire pour un instrumentiste non pianiste d’apprendre des bases de piano en parallèle de l’étude de leur instrument. Qu’en penses-tu ? J’ai vu que tu joues d’ailleurs aussi du piano. A quel moment as-tu appris ce 2ème instrument et pourquoi ? Est-ce un atout et pourquoi ?

C.R-C : Le piano est indispensable pour moi. Premièrement pour pratiquer et me régaler d’harmonie, puis pour modestement (très modestement) accompagner mes élèves dès que possible à chaque cours (sinon on a que 50% de la musique quand-même !) Et pour finir composer, puisque mes pièces pour flûte sont généralement écrites pour flûte et piano et je compose donc (niveau débutant) pour piano. J’ai pris un an de cours en CM2, puis piano complémentaire en fac de musique. Mais je joue presque quotidiennement. Le piano c’est extraordinaire. C’est l’instrument par excellence. La musique est un langage bien plus accessible quand on fait du piano ! Le chant le complète oui, pour le phrasé. Mais il faut faire du piano, bien sûr, ou n’importe quel clavier. Les écoles et conservatoires qui proposent le piano complémentaire feront des musiciens plus heureux !

PROJETS / DIRECTION / PÉDAGOGIE / MUSIQUE POUR TOUS

V.B : Autre casquette à ton actif, tu es aussi cheffe d’orchestre. Quand et comment t’es-tu découvert cette passion ?

C.R-C : En fait on m’a proposé de diriger. D’abord des chorales, puis aujourd’hui des orchestres amateurs ou d’enfants. J’ai toujours vu mon père diriger une chorale et la direction est souvent une nécessité dans nos écoles de musique et conservatoires donc c’est un cheminement naturel pour moi. Et j’aime énormément.

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V.B : Le métier de chef d’orchestre est encore majoritairement masculin, aussi je suis toujours heureuse de voir des collègues et musiciennes femmes qui se lancent et dirigent. Heureusement tout de même, les choses évoluent aujourd’hui un peu de ce côté-là. Comment les choses se sont-elles passées pour toi ? Pourquoi est-ce important pour toi de diriger ? Peux-tu nous parler un peu de tes activités en tant que cheffe ?

C.R-C : J’aime l’orchestre et l’opportunité de travailler avec des instruments différents du mien me plaît énormément. Quand je dirige je ne pense pas au fait d’être une femme et très bientôt la question ne se posera plus, j’en suis persuadée, nos écoles de musique et nos orchestres étant de plus en plus constitués de filles et femmes ! J’ai envie de faire de la musique avec les autres et leur communiquer mon envie et mon énergie. J’aime la musique, je vous l’ai dit ça ???

V.B : Tu en parlais justement, tu diriges des ensembles orchestraux pour le projet « Play Music » initié par le Conservatoire de Toulouse : vous menez ainsi des actions artistiques et culturelles en temps scolaire (pour les écoles élémentaires), périscolaire et extrascolaire. Il s’agit d’une mission très importante et primordiale. Peux-tu nous parler un peu plus de ce projet et nous dire pourquoi tu as décidé de t’impliquer ? En quoi est-ce important selon toi ?

C.R-C : Je pense que l’apprentissage de la musique devrait être remboursé par la sécu. Tant il est bénéfique à la construction des humains. J’ai dû faire une recherche sur le développement du cerveau des enfants entre 7 et 9 ans et il a été prouvé des changements physiques étonnants sur les musiciens. Sans compter les liens sociaux, l’écoute, l’art et tous les pouvoirs extraordinaires de la musique pour réunir les gens. Donc il est quand même important de pouvoir proposer partout cette chance. Play Music commence par la découverte de la pratique musicale en temps scolaire, puis pour ceux qui se sentent accrochés, le conservatoire peut leur prêter un instrument pour travailler chez eux et apprendre en cours par groupe de 5 ou 6 et en pratique orchestrale. Après plusieurs années, les musiciens peuvent avoir accès à un grand orchestre amateur constitué d’anciens camarades ou d’amateurs de tous âges et de tous lieux. Un lieu de partage entre différentes générations autour d’un projet d’équipe commun. Belle école, non ?

V.B : Etre professeur en Conservatoire et en Ecole de musique c’est bien sûr le même métier mais avec parfois des aspects un peu différents. Et intervenir en milieu scolaire c’est encore une autre facette du même travail. L’implication des élèves peut être un peu différente elle-aussi selon les lieux, les contextes. Comment expliquerais-tu ces différences ? Et en quoi tout cela peut-il être difficile pour le professeur ? Quelles adaptations doit-on faire ?

C.R-C : Peut-être que les contenus éducatifs ne sont pas tout à fait similaires dans ces différents lieux mais les enfants restent des enfants. En tous cas c’est l’impression que j’ai. Il ne faut pas s’attendre à pouvoir enseigner les mêmes choses partout et à la même vitesse. Mais les solutions ne sont pas faciles à trouver, surtout quand on tient à un enseignement de qualité issu d’une tradition qui sert la musique à la hauteur de sa beauté et qu’on tient également à ce que tout le monde apprenne la musique. L’enseignement musical est en pleine évolution. J’espère que le plus grand nombre pourra y gagner et que nous ne perdrons rien au passage.

V.B : Pour le projet Play Music, comment les jeunes ont-ils réagi ? Comment s’impliquent-ils ?

C.R-C : C’est génial de voir à la sortie des écoles des boîtes d’instruments sur le dos des enfants d’un quartier où il n’y avait pas de cours de musique. Des euphoniums , des violons sur le dos, des flûtes dans les cartables..Et tout ce monde se réunit pour jjouer tous ensemble et faire leur premier concert en orchestre au bout de quelques mois ! La joie, le partage, le premier trac…Et je vais citer une élève tubiste : « ah mais ça y est ! Je sais ce que c’est le trac ! C’est du stress en joie !!! ». Je n’ai pas de meilleure définition et c’est moi qui apprends !

 

V.B : Et de ton côté, comment réussir à créer une émulation chez des jeunes (ou moins jeunes d’ailleurs) lorsqu’ils n’ont peut-être pas eu la chance au départ de baigner dans un contexte facilitant l’accès à la musique ?

C.R-C : Je fais comme partout, je me mets au service de la musique et à l’écoute des autres.

PROJETS FUTURS

V.B : Quelles sont tes envies pour le futur ? As-tu des projets en préparation ou en tête ?

C.R-C : Encore des concerts, me perfectionner dans l’improvisation jazz, rencontrer des musiciens et jouer avec eux, un deuxième volume pour ma méthode, travailler avec des troisièmes cycles en conservatoire, continuer à aider les futurs profs à se former. Aller voir le plus de concerts possibles !

V.B : Nous l’avons vu, tu fais beaucoup de choses et touches à bien des domaines musicaux. Si tu devais ne garder que 2 casquettes musicales, lesquelles garderais-tu ? Et pourquoi ?

C.R-C : J’utilise que 2 casquettes: musicienne et pédagogue.

QUESTION BONUS !

V.B : Quelle est ta pièce préférée pour flûte traversière ? Et pourquoi ? Qu’aimes-tu dans cette pièce ?

C.R-C : Il y a 3 ans, j’ai redécouvert Syrinx de Debussy. Grâce à cet extrait des métamorphoses d’Ovide livre 1 : « Tandis que, sur place, Pan faisait résonner ses soupirs, l’air mu dans les roseaux avait émit un son léger, pareil à une plainte ; le dieu séduit par l’harmonie des sons s’était écrié : voilà le moyen de converser avec toi ! »

Pour moi, cela résume exactement ce que je ressens de naturel et de charnel à jouer de la flûte, ainsi que le côté fantastique de sa sonorité et qu’elle est mon langage.

V.B : Merci beaucoup pour toutes ces réponses passionnantes et pour ton temps Cécilia. Et surtout encore bravo pour ton travail, tes projets et tes réalisations ! Tu arrives à transmettre ta passion pour ton instrument et pour la musique de la plus belle des manières ; je te souhaite beaucoup de succès et de joies à venir encore avec tous tes projets.

C.R-C : Merci à toi Veronique ainsi qu’aux lecteurs ayant eu le courage de lire jusqu’au bout ! »

Voilà c’est fini pour aujourd’hui cher internautes! Mais rendez-vous très bientôt pour de nouveaux articles!

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